A bon entendeur

samedi 19 avril 2014

Le mariage gay: Pur produit du capitalisme et de la réaction ?


Dans son dernier livre, Décroissance ou Décadence, le journaliste Vincent Cheynetobjecteur de croissance, questionne la volonté de liberté sans limite qui se donne à voir dans nos sociétés. Extraits d'une interview de présentation de son bouquin au magazine La Vie. L'occasion de découvrir une façon originale de voir le mariage zinzin et la loi Taubira... Le mariage pour tous serait réactionnaire et un pur produit du capitalisme. Ça se tient, plus ou moins. Je laisse cela à votre appréciation...

La décroissance est la plupart du temps abordée d’un point de vue économique. Dans votre livre, vous la traitez plutôt d’un point de vue anthropologique. Pourquoi ?

Parce que la décroissance soulève d’abord un enjeu anthropologique… Les termes croissance, développement – fût-il « durable »… –, libéralisme, libéral-libertarisme, progrès ou productivisme participent d’une même idéologie : celle de l’illimité. Le philosophe et psychanalyste Cornelius Castoriadis (1922-1997) observait : « On est entré dans une époque d’illimitation dans tous les domaines (…), la société capitaliste aujourd’hui est une société qui à mes yeux court à l’abîme de tous les points de vue, car c’est une société qui ne sait pas s’autolimiter. »
Cela ne touche donc pas que le domaine de l’économie, mais aussi celui de la culture et des mœurs. La croissance est un « fait total » qui englobe toutes les dimensions de notre existence et de notre société. Nous sommes dans des sociétés dont le fondement devient le refoulement, la transgression et la destruction de toute limite. Comme le rappelle le philosophe Jean-Claude Michéa, le libéralisme économique « de droite » et le libéralisme culturel « de gauche » ne s’opposent pas mais font système. Ils sont la même face d’un seul ruban de Möbius (créée par le mathématicien allemand Möbius en 1839, ce ruban fermé ne possède qu’une seule face, ndlr). C’est au nom des mêmes arguments que sont, par exemple, revendiqués le travail le dimanche et la libéralisation de la consommation de drogues. Or, la condition de l’humanité, et celle de la liberté, c’est l’intégration de la limite. La destruction de la nature n’est que la conséquence de cette incapacité à nous en fixer. Conjointement, la déréliction sociale qui en est la conséquence ouvre la voie aux fanatiques et intégristes de tous poils.

Vous faites partie des rares écologistes qui ont exprimé leur scepticisme lors du débat sur le mariage entre personnes de même sexe. C’est aussi pour des raisons anthropologiques ? 

Ce débat, complexe, a été d’emblée piégé par la logique binaire de l’époque, largement diffusée par les grands médias. En l’occurrence, ou bien on était gay friendly, ou bien homophobe. C’est stupide. Nous pouvons aisément retourner cette rhétorique en affirmant que c’est ce projet qui est, à strictement parler, homophobe, puisqu’il nous fait basculer d’un indispensable droit à la différence à un mortifère « droit au déni de la différence ». Comme s’il fallait qu’une pratique ou un état de fait entre officiellement dans la norme pour être acceptable et accepté… Mais surtout, nous passons de la logique du don à celle d’un « droit à l’enfant ». Il s’agit de faire plier la nature aux désirs et fantasmes des adultes. Nous signifions par là notre incapacité à accepter les limites que nous donne la nature. La loi du mariage pour tous contribue à ouvrir la boîte de Pandore de toutes les revendications qui nous conduisent droit au Meilleur des mondes décrit par Aldous Huxley, où la production des enfants est devenue un processus purement technique répondant aux besoins du moment. La loi du mariage pour tous constitue une clé symbolique vers ce monde déshumanisé. Elle est un pur produit de l’idéologie utilitariste et capitaliste chosifiant la personne et niant ses identités, à commencer par la première d’entre elles, l’identité sexuelle. Cette casse des identités livre la personne en position de proie idéale au marché.

Le mariage pour tous serait donc un pur produit du capitalisme ?

Je constate que la grande bourgeoisie libérale, les grands médias et les philosophes médiatiques, le show-business, les multinationales, ont été des fervents supporteurs de ce projet. Dans cette même perspectives, mais sur un plan économique; ces intérêts défendent avec la même ardeur la concentration du capital à travers le projet européen, faux nez du capitalisme. Je suis d'ailleurs consterné d'observer que les instances ecclésiales supportent sans recul la ligne européiste. Bossuet a écrit: "Dieu se rit des hommes qui déplorent les effets dont ils chérissent les causes". Par ailleurs comme le soulignait Thierry Jacaud, rédacteur en chef de la revue  L'Ecologiste, au sujet de la loi sur le mariage pour tous: "Que cette logique ultra-libérale et ultra-individualiste se retrouve dans un projet de loi d'un gouvernement de gauche est affligeant." Si la réaction  consiste à refuser l'observation scientifique de notre condition pour céder à une approche émotive, affective, donc archaïque, on peut alors considérer les tenants de l'indifférenciation sexuelle comme de véritables réactionnaires. Cela semble nécessaire tant le terrorisme intellectuel apparaît comme constitutif de leur fonctionnement. Jean-Claude Guillebaud a raison de les qualifier de pudibonds. Quant à Michel Onfray, nous pouvons - pour une fois! - sa liberté intellectuelle quand il conclue à ce propos:"Un jour viendra où l'on fera le compte des ravages effectués par cette sidérante idéologie postmoderne. Quand? Et après quels considérables dommages..."

Par curiosité, je crois que je vais acheter le bouquin. Cela me donnera ainsi l'occasion de découvrir, un peu, ce courant de pensée en vogue que l'on appelle la décroissance et ses objecteurs de croissance.

Folie passagère 2239.
D'accord, pas d'accord: atoihonneur@voila.fr

16 commentaires:

  1. Bonne lecture! J'attends un compte-rendu.
    Je me sens proche de certaines positions prises par les objecteurs de croissance.
    La première croissance contre laquelle il faut lutter et qui conditionne toutes les autres, c'est la croissance démographique.

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    1. @Pa,gloss: et bien visiblement c est sans doute la plus compliquée à maîtriser.
      Pour le compte rendu, va falloir attendre un peu

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  2. "Si la réaction consiste à refuser l'observation scientifique de notre condition pour céder à une approche émotive, affective, donc archaïque..." : j'aurais plutôt émis le postulat inverse. Il me semble qu'ici, la réaction s'échine à accepter l'observation scientifique -anthropologique, au moins.

    Bon courage pour la lecture. La société de consommation est pour moi une ABOMINATION (©Boutin), mais de là à prôner la décroissance...

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    1. @Al Weetrs, je ne connais quasiment rien de cette pensée de décroissance si ce n'est les apparitions pénibles de Paul Ariès chez Taddéi. C'est en tombant sur cet article que j ai eu envie d en savoir un peu plus.

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  3. Bon, je me garde ceci pour lundi , pas assez de courage pour m'embrumer la tête ce soir , bon week-end @corto et à tous tes commentateurs .

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  4. completement d'accord avec cette analyse, notamment avec la notion de " chosification la personne".
    En tant que libéral, je suis TRES ETONNE par le fait que :

    - la gauche française ait poussé un projet proposé, en Angleterre, par les conservateurs britanniques
    - les gays français aient refusé la thèse essentialiste véhiculée par les médias qui consiste à dire que les gays forment une communauté, comme si une orientation sexuelle formait la base d'une identité.

    La gauche française, sur ce coup comme sur d'autres, est en pleine contradiction, et s'ils sont cohérents, ils doivent aller jusqu'au bout du projet consumériste : PMA et GPA pour tous !

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    1. @Le parisien libéral: ravi que cela t es plu ! :)
      la gauche n est plus a une contradiction près. Pour la GPA et PMA qui sont devenus de vrais business chez nos copains ricains, on y viendra sous peu. hélas.

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  5. bonjour,
    Deux gros problèmes :
    1- si l'apologie de l'homosexualité est censée limiter la démographie, où est la logique avec 200000 immigrés/an ????
    2- si cela est même un peu vrai, alors on est en phase avec ce que je pense de la démocratie:
    les VRAIS débats en sont 100% absent , seules les pinailleries ineptes occupent les votants

    Ceci dit , je suis globalement d'accord avec ce monsieur !!
    à ceci près aussi que je pense que la décroissance est IMPOSSIBLE à voter en démocratie
    où il faut toujours promettre PLUS
    Par contre l'eternelle croissance étant impossible , il y aura le retour de bâton
    mais sans qu'aucun élu ne nous en parle ou ne nous y prépare !
    cordialement

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    1. @jmespe; sans y connaitre grand chose avec ce discours de décroissance, une certitude, comme toi, elle est vouée à l'échec ne serait-ce parce qu'il semble inimaginable qu'un politique d envergure promette "moins" à tous; discours fort peu démagogique, donc contre productif.

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  6. marianne ARNAUD19 avr. 2014, 21:14:00

    Je ne connais rien aux théories de la décroissance, mon cher Corto, mais dans la pratique, il me semble que la mienne a bel et bien commencé.
    J'ai bien peur que la décroissance, ça va être automatique !
    Quant au mariage homosexuel, je suis tout à fait d'accord avec ce que dit ce monsieur. Je n'arrive même pas à comprendre par quelle aberration de l'esprit, les gens ont pu foncer tête première dans cette connerie monumentale.
    L'autre dimanche, entendu dans une manif : "On est tous des enfants d'hétéros !" D'accord, mais pour combien de temps encore ?

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  7. Au final, le mariage homo pourrait être une bonne chose s'il coagule les décroissants de gauche (Cheynet, Ariès, Brune, revue la "Décroissance" et c...) avec ceux de droite (Alain de Benoit, revue "Eléments" entre autres) et quelques situationnistes comme Cousin qui tous, revendiquent l'adhésion aux thèses de JC Michéa.

    Toutefois, il faut souligner le courage de Vincent Cheynet qui va à contre-courant de l'idéologie morale de la gauche (comme Michéa). Il se trouvera sans doute un ou plusieurs idiots utiles à l'intérieur des décroissants de gauche pour s'offusquer de la dérive "droitière" (voire pire) de Vincent Cheynet.
    Il sera intéressant d'observer la réaction des décroissants de gauche et de droite suite à la sortie de ce livre et d'observer leurs positionnements autour de Cheynet.

    Dit autrement : Sommes-nous en train d'assister à l'édification de passerelles (Ô combien bénéfiques) entre la gauche et la droite ?

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    1. @Seghux: d après ce que j ai cru comprendre, Aries et sa bande, bien à gauche, se sont désolidarisés de Cheynet. Ariès ayant même quitté la co-direction du journal La Décroissance.
      Quant à ses passerelles qui effectivement pourraient être bénéfiques, je doute qu elles soient appréciées si j en juge par le souvenir de l'ouverture qu avait fait Sarko a gauche, si j en juge par le nombre de commentateurs qui ici me déposent leur dégoût de la soi disante UMPS,

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    2. Ariès risque de se trouver isolé.

      Quant à Vincent Cheynet, un verrou idéologique a sauté avec ce livre, ce qui est positif.

      Par ailleurs, il dispose d'une certaine "aura" à gauche avec son journal et ses publications qui risquent de plaire aux militants du front de gauche, qui eux-mêmes, discutent beaucoup autour des thèses de Michéa. Au niveau de la base militante, de plus en plus de passerelles se forment.
      Le pouvoir socialiste fut pris de panique sur ces problèmes de coagulation lors des manifestations des Bonnets Rouges contre l'écotaxe (http://www.agencebretagnepresse.com/fetch.php?id=31836)

      Gageons que ces "coagulations" seront fortement réprimés par les appareils de parti (de l'extrême gauche à l'extrême droite) afin de maintenir les structures du pouvoir intacts. Espérons que les bases militantes sauront s'affranchir des appareils politiques, de droite comme de gauche.

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