A bon entendeur

mercredi 20 novembre 2013

Robinson vs Vendredi, Finkielkraut vs Badiou


Je n'avais jamais rien lu de Finkielkraut. Voici une erreur corrigée. Il n'y a aucun doute, pour moi, cet homme est parfaitement lucide et clairvoyant et les gens comme Alain Badiou, progressistes auto-proclamés, lumières du monde, concourent à la destruction de notre Histoire

" Car la France est à l'image de l'Europe et l'Europe a cessé de croire en sa vocation passée, présente ou future à guider l'humanité vers l'accomplissement de son essence. Il ne s'agit plus pour elle de convertir qui que ce soit (...), mais de reconnaître l'autre à travers la reconnaissance des torts qu'elle a commis à son endroit. Il lui incombe plus généralement d'accueillir ce qui n'est pas elle en cessant de s'identifier à ce qu'elle est. Ses clercs, au sortir du XXème siècle, ne prennent pas le pari de l'Aufklärung contre le romantisme, ils préconisent ce remède de cheval contre tous les hubris: le romantisme pour autrui. Si l'Europe doit se dénationaliser et renoncer dans la foulée, à tout prédicat identitaire, c'est pour que puissent se déployer librement les identités que son histoire a mises à mal.

Et ajoute Alain Badiou, cette oblation est sa délivrance; cette apostasie, sa sortie des ténèbres: " Que les étrangers nous apprennent au moins à devenir étrangers à nous-mêmes, à nous projeter hors de nous-mêmes, assez pour ne plus être captifs de cette longue histoire occidentale et blanche qui s'achève, et dont nous n'avons plus rien à attendre que la stérilité et la mort. Contre cette attente catastrophique, sécuritaire et nihiliste saluons l'étrangeté du matin. " Pour que le jour se lève, il faudrait donc cesser de considérer l’immigration de peuplement comme une menace, un défi ou un problème, mais voir en elle la chance d'une rédemption et supprimer toute les lois qui la contraignent. La France, l'Europe, l'Occident ont beaucoup péché en voulant mettre l'Autre à la raison: l'occasion leur est maintenant offerte d'être purifiés par l'Autre d'eux-mêmes et de leur passé coupable. Robinson, suggère ici Badiou, n'est plus maître du monde ni même souverain en son royaume. Il n'est plus condamné à la domination: Vendredi le destitue et, ce faisant, le sauve.

Aux pensées et aux passions xénophobes, Badiou oppose l’exercice de ce que le philosophe anglais Roger Scruton appelle l'oikophobie: la haine de la maison natale, et la volonté de se défaire de tout le mobilier qu'elle a accumulé au cours des siècles. Et ce rejet n'est pas une lubie de philosophe. La bureaucratie fait chorus. Les gardiens de la maison eux-mêmes sont oikophobes. En 2011, un agenda est distribué dans tous les établissements scolaires de l'Union européenne: toutes les fêtes religieuses y figuraient, à la remarquable exception des fêtes chrétiennes. Ses responsables se sont engagés à réparer l'oubli. Mais le jour se rapproche où pour n'offenser personne, les fêtes de Noël deviendront, dans le discours officiel, les fêtes de fin d'année ou, plus poétiquement,  les fêtes d'entrée dans l'hiver ."

Alain Finkielkraut, L'identité malheureuse (p.103-105), Stock.

A écouter en complément, l'interview d'Alain Finkielkraut par Philippe Bilger, ICI.

Folie passagère 2007.
D'accord, pas d'accord: atoilhonneur@voila.fr


27 commentaires:

  1. Bonjour Corto,

    Encore un livre à lire (celui d'Alain Finkielkraut). On ne s'en sort pas.
    Je ne crois pas que l'absence des fêtes chrétiennes ait été un oubli. La haine est désormais trop forte et ne se cache même plus. Pire, elle a désormais pignon sur rue et exerce sa néfaste influence dans tous les aspects de la vie quotidienne. La manœuvre est excellente et est mené de main de maître. L'image de la grenouille nageant dans une eau chauffée n'a jamais été aussi pertinente. Sur ce sujet, je ne pourrai que conseiller la lecture du livre d'Ortega y Gasset "La révolte des masses" (publié aux Belles lettres, remarquable maison d'édition en ces temps troublés) où l'auteur analyse avec une clairvoyance absolue la crise de la civilisation occidentale: http://www.wikiberal.org/wiki/La_Révolte_des_masses

    Bonne journée

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    1. @H: Bien sur que cet oubli n en était pas un. Je le vois même plutôt comme un ballon d essai, pour voir. Et encore oui, cette haine ou ce rejet de notre histoire ne se cache plus, n'avons nous pas un ministre de l éducation, face émergée de l'iceberg, qui ose dire face caméra qu'il faut éradiquer la religion catholique et gommer tout ce qui est antérieur à 1789 ?

      V jeter un coup d oeil a ton lien

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  2. bonjour corto, je n'ai pas compris grand chose au texte de la lumiére du monde... est ce normal ?

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    1. @anne: c'est pourtant simple. badiou part du principe que à se recroqueviller sur notre Histoire, à l'aimer et à en faire " notre soleil", au contraire, nous nous enfonçons dans les ténèbres de l'histoire que nous avons construit. Une seule solution, les étrangers, le multiculturalisme, etc... qui vont nous mettre en pleine lumière. Pour faire simple, grâce aux étrangers et à cette mixité avec eux, nous pourrons faire notre mea culpa pour toutes les horreurs que nous avons commises, et a terme effacer notre passé en le niant Ainsi " absouts" nous pourrons renaître et retrouver la lumière, en gros, le progrès.
      Plus clair ainsi ?

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    2. c'est plus clair quand c'est vous qui expliquez... :-) pourquoi écrit il de maniére inconpréhensible..
      NB : j'aime notre histoire de france, notre passé et je n'ai pas de méa culpa à faire pour des choses que je n'ai pas faites...tous les peuples ont fait des atrocités plus ou moins..etc etc....est ce qu'ils se repentent ? et font le mea culpa ? ( c'est trés catho finalement )

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    3. @Anne: je dois avouer que Finkie comme tous les philosophes sont infoutus de faire des phrases simples. C'est dommage on y perd en diffusion car il faut parfois s'accrocher ou le vouloir pour les lire.

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  3. Il faut lire Scruton, malheureusement il n'a pas été traduit, trop conservateur pour le petit monde de l'édition française. Il a,entre autres,écrit un livre fantastique sur l'écologie vue par le conservatisme qui enfonce la vision défendue par les pastèques.

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    1. @Koltchack: Pas traduit donc pas lu par l'immensité des gens qui ne parlent ni comprennent l 'anglais. Pour être honnête, je n en avais jamais entendu parler.

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    2. Pour les curieux, je mets en ligne un lien vers cet ouvrage passionnant : http://www.amazon.fr/Think-Seriously-About-Planet-Environmental/dp/B00DT647K6/ref=sr_1_16?s=books&ie=UTF8&qid=1384968098&sr=1-16&keywords=roger+scruton

      Sinon, je suis mauvaise langue, sur les dizaines d'ouvrages de Scruton, un seul a été traduit en français. Cela pourrait me rendre heureux, mais j'ai comme dans l'idée que les éditeurs nous prennent doublement pour des gros cons incultes et indécrottables, enferrés dans leurs tropismes hexagonaux. Le titre ? "Je bois, donc je suis." Ceci dit c'est également un bouquin fichtrement intéressant. Mais bon.

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    3. @Koltchack: sans doute avec un titre pareil ont-ils pensé que cela serait banckable

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    4. Ayant un peu plus de temps pour parler de ce cher Roger, je voudrais que l'on mesure la valeur du bonhomme qui à mon sens est très certainement un des derniers, sinon le dernier, honnête homme au sens que l'on pouvait donner à ce mot à l'époque de Montaigne. Philosophe et romancier, il a également composé deux opéras. Il a également été professeur dans pas mal d'universités prestigieuses dont Oxford, Cambridge, Saint Andrew, et la Boston University.

      Durant la guerre froide, entre 1979 et 1989, il a participé à des universités clandestines dont le but consistait à faire passer des livres en douce, à organiser des conférences et aider des étudiants de l'Est à suivre des cycles à distance et obtenir un diplôme de Cambridge. Il a même été arrêté en Tchécoslovaquie avant d'être expulsé et déclaré indésirable. Néanmoins, il a continué son action en Pologne et en Hongrie où il se rendait régulièrement, et bien que suivi étroitement il arrivait à semer les sbires qui ne devaient pas le lâcher d'une semelle.

      Sans vouloir être méchant, encore que, Scruton a quand même une autre stature que notre intellectuel engagé qui appelle à la guerre et ne sort pas de la suite des hôtels internationaux où ils à élu domicile. Le reste des intellos et pseudo-philosophes de gauche étant des nains glapissant à côté de l'éternellement beu marie à l'éternellement belle, je ne vais pas leur faire l'honneur de les citer.

      Pour les anglophones, voici son blog : http://www.roger-scruton.com/
      On y trouve bien évidemment ses ouvrages avec des liens vers Amazon, des extraits de ses compositions musicales, des articles publiés dans diverses revues, des vidéos de ses passages à la télévision, et tout plein de trucs à découvrir.

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  4. "nous pourrons faire notre mea culpa pour toutes les horreurs que nous avons commises"
    Mea culpa est chrétien, d'où la création du terme repentance. Au nom de quoi devrions-nous nous repentir pour les fautes de nos ancêtres?
    Evidemment, qui parle de la traite négrière arabo-musulmane? Qui s'insurgera et le dira à cette prétendue ministre de la justice?
    Plus près dans l'Histoire, les Allemands et Hitler. Qui accuse les jeunes générations de sa folie maintenant? L'Allemagne a grassement payé les juifs (je me demande encore pourquoi) et on leur fiche la paix.

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    1. @Orage: au nom de rien pour toi ou pour moi, au nom de la nécessite de gommer tout passé - ce qui passe forcément par la "repentance " et la demande de pardon - selon des mecs comme Badiou ou des comme Taubira. pas innocent si ds cet extrait Finkie fait exprès d’utiliser des termes "religieux " pour critiquer la citation de Badiou

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  5. Cet entretien vidéo (Bilger/Finkie) http://www.youtube.com/watch?v=jPMFwAXj5Ss
    pour ceux qui apprécient (tout comme moi) Alain Finkielkraut.
    La parfaite traduction de ce que je vis, de ce que je pense.

    Avec déplaisir, j’ai découvert Badiou à travers des articles de presse ainsi que dans l’émission CSOJ
    Ce que j’ai perçu de l’homme et de sa pensée me dissuade d’en découvrir davantage.

    Tout d’abord, aucun charisme ! Il illustre parfaitement l’arrogance, les certitudes, l’intransigeance, la supériorité des grands penseurs du camp du bien.
    Aucun effort de compréhension des raisons pour lesquelles s’exprime une pensée différente de la sienne. Il ne discute pas, il attaque, il accuse, il juge et condamne.




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    1. @Mireille: Pour l entretien avec Bilger, à quoi ça sert que je me décarcasse de mettre de jolis liens ds mes billets si vs ne les suivez pas ? Hein ? :) Voir en fin de billet.

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    2. La honte !

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    3. Ouffffffffffffffffffff ! (mais la honte quand même )

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  6. Ce Badiou n'est-il pas celui qui comparait Sarko avec Pétain ?
    " La défaite de la pensée " de Finkielkraut , j'en ai gardé un vague souvenir mais le titre m'en est resté dans la tête
    J'ai lu un bon résumé sur " L'identité malheureuse " , je rajouterais qu'il n'y a jamais eu autant de région française qui se tourne vers leur passé , basques, bretons, alsaciens ect pour réaffirmé leurs racines , le mélange ethnique apporterais quoi lorsqu'on pressent une montée religieuse qui veut justement l'homogénité mais de leur pensée.
    Ta réponse à @anne m'a éclairé sur ce Badiou .

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    1. @Claude Herni: si c'est celui-là même. Pour le reste, Finkie au début de son entretien avec Bilger explique assez bien sans les citer qui sont les gens comme Badiou, sinon, le com de Mireille BD a propos de Badiou est assez fidèle au bonhomme.

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  7. Je n'ai pas encore lu le dernier ouvrage de Finkelkraut mais je ne saurais faire l'impasse . Il incarne la rigueur et
    l'honnêteté intellectuelle qui fait complètement défaut à ses détracteurs. Entr'autres, il me revient "un coeur intelligent"
    qui est un essai sur sa bibliothèque idéale : neuf écrivains qu'il donne envie de relire .Cest un excellent professeur
    de désir.
    Badiou, je ne connais pas .Yvette

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    1. @Yvette: et bien n hesites pas à le lire, c'est passionnant, un peu tortueux comme avec tous les philos mais une argumentation implacable.

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  8. Si tu trouves l'argumentation de Badiou implacable,pas moi.Je n'ai lu qu'un livre de lui:"De quoi Sarkozy est-il le nom".Ca m'a suffit:il me fait un peu penser à Hessel avec "indignez-vous".Heureusement ces deux chefs d’œuvre de la littérature contemporaine ne tiennent pas une grande place par leur épaisseur dans les bibliothèques.

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    1. @jean marc: Avec Yvette, nous parlions de Finkielkraut, pas de Badiou.

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  9. Bonsoir Corto,

    Je n'ai pas encore lu le livre "l'identité malheureuse". Mais je suis assez admiratif de Finkielkraut qui n'a pas que des amis dans la réacosphère en raison de son passé de gauche.

    Je lui trouve un certain courage, une grande clarté d'expression, et beaucoup de discernement. Je ressens aussi à son écoute un certain lyrisme patriotique qui tend à m'émouvoir.

    Bon , voilà, c'est tout, juste une petite pierre à l'édifice.

    Amicalement vôtre.

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    1. @mamasc: Si tu as un peu de temps, ecoute son interview en lien à la fin de mon billet sur le mot " ICI ". Seul face à un interviewer unique, il est parfait, clair et précis. Avec en prime une gestuelle qui accompagne parfaitement son propos.
      Dans son dernier livre, en introduction, il explique très bien son évolution et son passé de gauchiste soixante-huitard.
      cordialement

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