A bon entendeur

samedi 5 août 2017

Je suis de droite !



Une tribune de Denis Tillinac pour Valeurs Actuelles que je fais presque mienne.

" Je suis de droite !

Lorsque j’avais 20 ans, j’apprenais l’amour, je jouais au rugby, je lisais des livres et la nuit, je refaisais le monde dans des bistrots enfumés à souhait avec des copains anars, cocos, trotskistes, maoïstes, situationnistes. Beaucoup d’“ismes” à l’époque, presque tous à gauche de la gauche : le romantisme révolutionnaire marxiste, additionné de freudisme surréalisant, faisait la loi dans les facs. La dénonciation rituelle des “fachos” tournait à vide ; le monde universitaire était gaucho aux environs de Mai 68, comme il était aristotélicien et thomiste au Moyen Âge. Nous lisions tous Foucault, Baudrillard, Morin, Lacan, Althusser, Deleuze, Derrida, Guattari, Barthes, Debord, Marcuse. Ces maîtres à penser ne rendaient aucun écho à mes états d’âme. Je n’étais pas gaucho. Pourtant, je détestais autant que les autres la société de consommation, les arrogances du fric et les séquelles de “l’ordre bourgeois”, formule en vigueur dans les amphis. Mon catholicisme, mon patriotisme, mon pastoralisme, mon rimbaldisme rasaient les murs. Je n’étais pas gaucho, mais j’enviais Régis Debray qui avait eu le courage de mettre un fusil au bout de ses idées pour aller crapahuter dans un maquis chez les “Picaros”.

Il en est revenu. Ils en sont tous revenus et somme toute, Aron avait eu raison contre Sartre. Reste que l’hystérie consumériste, surarmée par les médias lourds, fabrique en série des prédateurs férocement matérialistes. Les gauchos avaient raison de la dénoncer. Tort de s’y employer avec un outillage où manquaient les ressorts exigibles pour une quête idéale : le sens de la transcendance, de la pureté, de l’héritage, de l’honneur. Tout ce que mes parents et les prêtres avaient tâché de m’inculquer.

Voilà pourquoi, à 20 ans, je me suis retrouvé “à droite” par allergie à la philosophie des “déconstructeurs”. À leur esthétique aussi, je n’aimais ni leurs postures ni leurs slogans. Déjà, je pressentais que le gaucho tournerait fatalement au bobo égocentré, comme un mauvais vin tourne au vinaigre. Un fond de lucidité m’avertissait qu’à tout prendre il valait mieux être gouverné par les énarques glaciaux de Pompidou ou de Giscard que par des émules de Robespierre, de Lénine et de leur postérité sinistre. La lecture de Chateaubriand, de Tocqueville et de Taine m’immunisait contre les venins du millénarisme marxiste. C’est-à-dire du socialisme, si l’on redonne à ce mot son vrai sens : une société où la personne est intégralement prise en charge par la communauté et formatée à cette fin depuis le berceau jusqu’à l’Ehpad.

Et je comptais, je compte toujours, Mussolini et Hitler parmi les copromoteurs de cet enfer rationnel. D’ailleurs les ultras de l’extrême droite ressemblaient comme des jumeaux aux “stals”, à ceci près qu’ils maquillaient en nostalgies passéistes leurs fantasmes éradicateurs.

Ma “droite” n’a pas d’accroche avec quelque idéologie que ce soit. Elle est conservatrice par instinct de survie. Elle invoque la nécessité de prendre en compte la fécondité de la mémoire, la fluidité du réel, les ambiguïtés de la conscience, ainsi que nos rêves d’harmonie, nos soifs d’émerveillement, nos aspirations à l’éternité. Je suis “de droite” par amour de la liberté, convaincu qu’on ne doit jamais investir nos quêtes d’absolu dans la sphère politique. Elles relèvent de la mystique, ou de la poétique. La politique, c’est plus modeste, plus contingent, ça consiste juste à gouverner un peuple en évitant que ses équilibres mentaux soient trop chambardés, sa fierté trop meurtrie et en protégeant les humbles des rapacités en tous genres. Trop de plumes délicates (Aragon, Brasillach, Éluard, Drieu, etc.) se sont dévoyées jusqu’à la pire servilité pour avoir voulu assujettir la réalité à leur délire épurateur.

Je suis “de droite” avec beaucoup de guillemets, par horreur de tous les idéologues qui toujours enténèbrent les âmes en érigeant des barbelés. "

Denis Tillinac


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D'accord, pas d'accord: atoilhonneur@yahoo.fr

23 commentaires:

  1. Je suis “de droite” par amour de la liberté et pour ma liberté " jamais encarté " .

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  2. Entre lui et l'entretien de Julien Rochedy, pas de doute : moi aussi.

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  3. Bonjour Monsieur Corto :
    Vous connaissez la phrase : 'qui n'est pas de gauche à vingt ans n'a pas de coeur. Qui n'est pas de droite à cinquante ans n'a pas de tête."
    Vu l'état du monde actuel il est plus que temps d'avoir de la tête...

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    1. Un jour lointain, peut-être par l'effet du Saint Esprit, je me suis réveillé royaliste à seize ans; j'avais du coeur et j'en ai encore: j'aime mon prochain.
      Je n'ai peut-être plus toute ma tête.

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    2. Ana Maria: il y a une telle proximité entre la droite que raconte Tillinac et l'esprit royaliste que nous devrions nous entendre pourgarder la tête droite :)

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  4. marianne ARNAUD5 août 2017, 15:40:00

    Comme disait ma mère, mon cher Corto : "Je suis de droite, mais quand on voit qui sont ceux qui se disent de droite, on peut dire que j'ai du mérite !"

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  5. Géo

    Ce billet de monsieur Tillinac est excellent à mon sens.
    Je suis en phase avec lui et cela depuis...toujours.
    Toujours de Droite,mais pas de celle qui se prétend "de Droite" et qui s affiche depuis trop longtemps maintenant,soudoyée,terne et dégradée,en la personne de gens trop souvent sans carrure ni valeurs morales.

    Les aventures du Che...ça ne m'a jamais emballé.
    Ni les Khmers rouges,ni Lénine,ni Castro,ni les amerlocks et leurs guerres incessantes.
    Ni leur culte de la consommation effrénée.
    Tous ces miroirs aux alouettes.
    Une Droite avec quelques fleurs de lys.
    Monarchiste?
    Pas forcément,il s agit d autre chose.
    Être "de Droite", c est peut -être bien...transcender le domaine du visible.
    Croire aux âmes des nations comme des entités vivantes qui sont bien davantage que la simple union des gens qui les composent.

    Le banquier doit être courbé,on doit pouvoir poser un pied sur sa tête pour lui faire sentir qui est le maître en notre pays et non pas l inverse et le jeter aux caïmans quand il vole les gens.
    Être de Droite,à mon sens c est aussi cela.



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  6. Vu les diverses interprétations faites de ce métier, ça peut concerner beaucoup de monde, par dérivation perverse et le résultat de ces idées, c'est rarement ceux de droite, qui ont l'argent et peuvent se permettre ces amusements...qui le paient. Mais vous ne le saviez pas...

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    1. Géo

      Mais la Droite est plurielle.
      À droite de l hémicycle à la Révolution française,plutôt favorable au Roi.

      Avec des valeurs communes:
      Un héritage national,spirituel,la famille,l'ordre,le mérite personnel,des valeurs morales,la protection de la souveraineté nationale,tout cela à préserver contre les idéologies "mondialistes" socialistes,la Droite,c est aussi la croyance dans le fait que les nations sont,de par leur diversité,le cadre idéal pour assurer le maintien des libertés individuelles,par opposition au socialisme mondialiste que l'on voit à juste titre comme une source d'abêtissement des peuples dans un troupeau indifférencié et à la solde de grands cartels,ces nouveaux grands féodaux qui usent des idées du socialisme pour détruire l unité des nations,afin d'instaurer leur diktat et leur idéologie.
      La Droite peut trouver d apparents points communs avec des idées de Gauche quand elle lutte contre les cartels hostiles aux peuples.

      Et cette diversité des idées ou des courants de Droite prouve qu'elle n est pas figée en une idéologie totalitaire à pensée unique qui bafoue des valeurs éthiques éternelles sous prétexte de "progressisme".

      La Gauche...ou les Gauches,ça n a pas le monopole de l humanisme,malgré ce que l'on essaie de faire croire.
      La Droite,c est aussi le bon sens contre les névroses de minorités valorisées pour détruire les valeurs et leur cohésion qu'elle défend.
      Elle conserve des valeurs structurantes pour l individu comme pour la société.

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    2. Anonyme, "c'est rarement ceux de droite, qui ont l'argent et peuvent se permettre ces amusements...qui le paient". Quel raccourci ! Les victimes de l'holodomor, des goulags et, plus généralement des régimes socialo-communistes, Chinois, Cubains, Birmans, Cambodgiens (j'en passe) doivent s'en retourner dans leurs tombes !

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    3. Disons alors ceux qui ont le pouvoir, l'argent et en abusent, ce n'est pas un oubli je répondais au commentaire sur les gens de droite qui sont rarement à la rue, puisqu'ils ont quelque chose à conserver.

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  7. Il convient de relire la trahison des clercs de Benda. Nos "élites" nous emmènent au chaos.

    Le Nain

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    1. Le Nain: je ne connaissais pas Benda, j'ai vu ton com, suis allé sur Wiki, et voilà que me prend l envie d'aller lire ce bouquin

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  8. Comme Denis, comme toi, comme tant d’autres, je suis de droite !

    Beau temps au bord de l’étang de Thau.
    Le fond de l’air est très chaud, l’orage n’est pas loin.
    Le Picpoul est bien frais.
    Je me déshydrate…

    Bonne fin de semaine en macro-socialie.


    Amitiés du Sud

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    1. Lou Sétori: et bien profites, ici nous sommes en manque de soleil mais pas de bons vins, heureusement
      amitiés du nord

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  9. J'adhère à sa démonstration et sa justification d'être de "droite".
    Je ne suis pas de droite, je suis pour rien du tout en politique, je suis libertarien, seule l'économie m'intéresse. Se dire de droite, et on le perçoit bien avec Tillinac, implique toujours un petit côté Girondin que j'exècre. J'adhère aussi parce que c'est un soixanhuitard capable et ayant été capable à cette époque de raisonner et ce n'était pas facile !
    Homo Orcus

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    1. Homo Orcus: libertarien, seul l'économie m’intéresse... quelle drôle d'idée !

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  10. Ak ok !
    Donc Neymard Jr est un droitier contrarié ou un contrarié de gauche ?
    En y réfléchissant bien, c'est plutôt un vrai droitier de droite, adroit, et pas que des pieds !

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  11. J'étais absente tous ces derniers jours et je rattrape mon retard. Quand je lis cet article et les commentaires, je jubile de connaître votre blog...
    Denis Tillinac a longtemps écrit une chronique dans mon journal régional et je l'apprécie énormément, c'est à dire que je partage ses idées.

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