"La cour d’assises de mineurs a donc rendu son verdict dans le procès des agresseurs de Jean-Michel Gaudin.
Rappelons les faits aussi brièvement que possible.
Le 3 février 2017, Jean-Michel Gaudin rentre du travail. Place de la Bastille, il attend de traverser à un passage clouté. À côté de lui, deux femmes âgées et derrière lui, un groupe de six « jeunes ». L’un des « jeunes » crache sur l’une des femmes. L’autre femme intervient et demande des excuses. Pour toute réponse l’un des « jeunes » lui assène un coup de tête.
Normal. C’est amusant de cracher sur les gens, de quoi elle vient se mêler, la vioque ?
Jean-Michel Gaudin s’interpose. Il prend un des « jeunes » par les épaules et le tire en arrière. Mais il reçoit un violent coup de pied à la hanche et tombe à terre. Il est ensuite, selon les nombreux témoins de la scène, roué de coups à terre, notamment au niveau du visage. Puis les « jeunes » repartent tranquillement. Ils se sont bien amusés. Une femme, qui arrive en face, tente de stopper l’un des agresseurs. Elle est giflée et frappée. Décidément, c’est une belle fin d’après-midi. Tous ces boloss à tabasser. Trop d’la balle.
Jean-Michel Gaudin va rester six semaines dans le coma. Il est aujourd’hui très lourdement handicapé, pour le restant de ses jours.
Pour cela, trois frères ont été jugés, dont nous savons que les deux plus âgés se prénomment Ahad et Obeid. Leurs peines ? Cinq ans de prison pour le plus jeune, mineur au moment des faits, et sept ans pour chacun des deux autres.
Compte-tenu du temps qu’ils ont dû passer en préventive, et compte-tenu des remises de peines, ils seront sortis pour le plus jeune d’ici un an, peut-être, et pour les plus âgés, d’ici deux ou trois, vraisemblablement.
Peut-être pour recommencer, qui sait ?
En prison, Ahad a expliqué au téléphone à sa petite amie : « J’ai frappé le gars. Je l’ai frappé par terre. T’as cru que je me laisserais faire ? C’est bien fait pour sa tête. » Ou encore : « L’avocat me dit de regretter, mais je regrette rien. » Et à propos de Jean-Michel Gaudin : « Dès que je sors, je le remets dans le coma ! »
Non, non, ne vous récriez pas. Tout est normal. C’est ça la justice française, la justice à la française que le monde entier nous envie. Des « jeunes » qui s’amusent, des vieux grincheux qui se font un peu secouer couenne, la paternelle indulgence de la justice, car il faut bien que jeunesse se passe. Normal. Chez nous, l’humanisme pénal n’est pas un vain mot.
Tenez : A Périgueux, le 13 août dernier, un homme de dix-neuf ans, un demandeur d’asile venu d’Afghanistan, importune un groupe de filles qui passaient devant chez lui. Des passants s’interposent pour leur venir en aide. L’homme, qui est en état d’ébriété, fait un aller-retour à son domicile pour en revenir avec un couteau de cuisine. Puis il poignarde quatre personnes avant de pouvoir être maitrisé. Des coups de couteau portés à la tête, à la nuque, au poumon, dans le dos…
Pour ça, quatre ans de prison, dont un avec sursis.
Oh, quoi, on va pas en faire toute une histoire de ces petits coups de couteau. C’est rien, y a pas eu mort d’homme. Et puis d’abord ces salopes l’avaient sûrement chauffé, qu’est-ce qu’ils avaient à prendre leur défense, ces passants ? Si ça se trouve, en fait, ils étaient racistes.
De toute façon, la justice ce n’est pas la vengeance, ne l’oubliez jamais. A quoi sert-il de rajouter de la violence à la violence ? La violence n’arrange rien. Vous n’allez pas gâcher la vie d’un jeune homme pour quelques coups de couteau ? Tout le monde à droit à une deuxième chance. Et même à une deuxième chance pour la dixième fois, la vingtième ou la trentième fois. L’humanisme, l’humanisme avant tout.
Le 14 septembre dernier, Esteban Morillo et Samuel Dufour ont été condamnés à 11 et 7 ans de prison pour avoir tué accidentellement Clément Méric lors d’une rixe déclenchée par celui-ci et ses amis.
Là différence entre ces trois affaires ? Dans la dernière il y a mort d’homme, pas dans les deux premières. Mais c’est purement l’effet du hasard. Esteban Morrilo et Samuel Dufour n’avaient nullement l’intention de tuer Clément Méric et ils n’ont fait que se défendre. Les trois frères et le demandeur d’asile, eux, ont délibérément agressé avec une très grande violence des gens qui ne leur avaient rien fait, et même avec préméditation dans le dernier cas. Leurs victimes ont eu de la chance d’en réchapper, tout comme Clément Méric a eu la malchance de mal tomber. Le hasard.
En fait, à un observateur impartial, il pourrait sembler que les agressions commises par les trois frères et par l’Afghan sont objectivement BEAUCOUP plus graves que l’affaire Méric, et que les trois frères et l’Afghan sont objectivement BEAUCOUP plus dangereux que Morillo et Dufour.
Mais c’est juste une impression.
Vous oubliez une autre différence très importante : Morillo et Dufour étaient skinheads au moment des faits. Les trois frères et l’Afghan sont… enfin, vous m’avez compris. Pas des skinheads.
Donc tout est normal. L’humanisme. Toujours l’humanisme !"
Texte d'Aristide Renou
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