Dîtes-moi, c'est quoi le truc ? Parce que là, franchement, je n'ai pas bien compris. Je vous explique...
Alors que les élections sont enfin terminées depuis un bon moment, voilà t'y pas qu'une député d'En Marche s'en va, ce dimanche, distribuer des tracts sur un marché en compagnie de quelques militants marcheurs. Laurianne Rossi arpente donc les allées avec ses tracts lorsqu'un homme l'interpelle. Aux dires de la dame, au début, ça se passe bien, puis le ton monte. Le gars se plaint du gouvernement, de la com' Macron et des députés qu'il juge - moi aussi - godillots. Laurianne Rossi aurait eu à peine le temps de répondre que le lascar lui colle " un violent coup de poing dans la tempe droite " avant de prendre la fuite (Il sera alpagué quelques minutes plus tard).
" Un violent coup de poing dans la tempe droite ", si violent qu'à peine dix minutes plus tard, la député, sans bleu ni ecchymose, toute pimpante et souriante, toute juste " sonnée, un peu choquée " répondra aux questions de quelques journaleux accourus aussi vite.
Et là, la machine s'emballe. Le truc de ouf ! Tout ce que compte la République de personnalités politiques va réagir, qui avec un tweet, qui par une déclaration, qui par un message de soutien. Bref, tout le monde y va de son bon petit mot pour dire qu'un élu agressé et c'est la République qui est en danger. Même Jupiter s'y colle. Même le premier ministre. Même le Président de l'Assemblée Nationale qu'on avait du mal à trouver lors des débats chaotiques sur la loi de Moraline réapparaît pour exprimer son " soutien et sa compassion ". Les télés se saisissent du truc, un sondage est réalisé à la hâte pour savoir si les Français aiment et respectent les politiciens (pas de surprises dans les résultats, c'est niet !) et les chroniqueurs de chroniquer sur les plateaux.
Non mais allo, quoi ! C'est quoi ce brin ? Bon okay, nous sommes tous d'accord, ce n'est pas bien d'agresser les gens et on ne frappe jamais une femme (même avec une rose, comme disait mère-grand), mais tout de même, merde, y a pas eu mort d'homme ! Ni de femme d'ailleurs. C'était quoi le truc ? Monter l'affaire en épingle pour que la République en Marche puisse avoir son premier martyr ? Rien de plus préoccupant dans le monde ou en France ? Pour oublier que les copains vénézuéliens de Mélenchon ont plus de 120 morts sur les bras en moins de 4 mois (dont 10 pour la seule journée d'hier) ? Pour nous faire oublier l'amateurisme de la nouvelle assemblée. Pour relancer, par ricochet, la côte de popularité de l'exécutif ?
Si encore tous ces gens-là justifiaient de manière intelligente leur " effroi " mais même pas...
Macron, il est monté aussitôt au créneau (enfin, plus de 6 heures après le drame): " Tout mon soutien à Laurianne Rossi agressée parce qu'elle défendait ses convictions. Respecter les élus, c'est respecter la République ". Taratata, Jupiter, ton idée, elle fonctionne à condition que les élus et la République soient eux-mêmes respectables. Est-ce vraiment le cas ? La République est-elle respectable lorsqu'elle laisse 9 millions de ses enfants sur le carreau ? Est-elle respectable quand elle s'oublie pour se soumettre à des intérêts qui ne sont pas les siens ? Est-elle respectable lorsque son Président humilie publiquement son chef d'état-major ? La République et bon nombre d'élus sont-ils respectables lorsqu'ils laissent des quartiers entiers partir à la dérive ?
Et Castaner - ah lui, je ne l'aime vraiment pas, arrogant qu'il est - qu'est-ce qu'il a trouvé à dire ?: " Rien n'explique la violence ". Et bien si mon con, si elle parfaitement condamnable, elle s'explique tout aussi bien. Il y a de quoi être violent quand depuis des années tu cherches du boulot, que tu n'en trouves pas et que tu vois à côté des élus qui se goinfrent, des migrants que l'on choie et des SDF qui crèvent (500 en 2016!). Elle s'explique quand chaque jour dans le métro, dans la rue ou dans le train, tu dois faire face à des incivilités à répétition. Elle s'explique parfaitement quand ceux qui te font la morale ne la respecte pas eux-mêmes, quand ceux qui sont chargés de faire respecter l'ordre public laissent flics et pompiers se faire caillasser. Elle s'explique encore mieux lorsque las de voir ta voiture cramer un 14 juillet, tu entends des élus en appeler au Vivre-Ensemble pour que cela cesse.
Et Valérie Pécresse avec son " 2 femmes politiques agressées, trop, c'est trop ! ", ah, ça c'est sûr, c'est toujours trop quand ça vous touche de près. Combien de femmes politiques violées chaque année ? Zéro, à ma connaissance. Combien de gamines passées à la tournante, combien de femmes lambda battues, violées ? Ce sont des dizaines, chaque jour.
Alors oui, un beau jour, par un dimanche ensoleillé, sur le marché de Bagneux, il y en a eu un, un qui n'était même pas radicalisé ni déséquilibré, pour perdre ses nerfs. Il y en a eu un qui en a eu marre des beaux discours et des phrases toutes faîtes. Il y en a eu un qui en a eu marre d'être sans arrêt pris pour un con par les politiques. Il lui a mis un pain à la député. Et alors ? Il y en aura d'autres, hélas. L'aurait-il fait si le député avait été un homme, sans doute pas mais tant pis, ce dimanche là, la colère était trop grande, trop forte, étouffée sans doute depuis trop longtemps. Les prémisses de quelque chose ?...
Son geste n'est en rien excusable mais il s'explique, il s'explique parfaitement même. Et c'est peut-être bien cela qui fait peur à tous ces élus qui hier sont venus massivement apporter " soutien et solidarité " à Laurianne Rossi.
Laurianne Rossi s'en remettra et prendra sans doute du galon chez En Marche.
Folie passagère 3399
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