Revenons donc sur la tirade de Rebsamen. Le ministre du travail qui n'a jamais fréquenté Pôle Emploi s'est fendu ce matin d'une déclaration qui met en émoi ou en colère une partie de la gauche tout en ravissant une partie de la droite. Eric Woerth et consorts saluent cette initiative gouvernementale, c'est de bonne guerre, le parti socialiste n'ayant pas hésité en son temps à vilipender la même démarche entreprise par Sarkozy.
Rebsamen a dit une belle connerie: "renforcer le contrôle des chômeurs". Il faut ne jamais été avoir été chez Pôle Emploi pour savoir qu'on y est plutôt bien contrôlé et ce justement depuis 2008. Il y a des fraudeurs, des partisans du moindre effort pour retrouver du boulot, c'est certain mais le problème n'est pas là. Le problème est que n'importe quel chômeur un peu fute-fute pourra sans aucune difficulté entourlouper son référent à Pôle Emploi. Il suffira de montrer une feuille avec plein de tampons d'entreprises que vous aurez visité en faisant du shopping ou de faire un beau tableau récapitulant les annonces auxquelles vous aurez (soi disant) répondu, un peu de tchatche et roule ma poule, le contrôleur, votre référent, sera content: Vous serez considéré comme un "bon" chômeur qui cherche sans trouver... je le sais, je l'ai fait. Ces gens-là n'ont ni les moyens ni le temps de vérifier et de juger la qualité de votre recherche d'emploi. C'est aussi simple que cela. Quand en plus, le système vous accorde jusqu'à deux ans d'allocations, il faudrait être un peu couillon pour ne pas en profiter. La dernière fois que je fus au chômage, la première année, je me suis reposé, la deuxième, j'ai cherché du boulot et j'ai trouvé sans, faut-il le préciser, la moindre aide de Pôle Emploi. Le problème est donc double: un problème de moyens et un système favorisant les abus. Rabaissons la durée d'allocation à un an, réduisons le montant des allocations et vous verrez, de suite, la "fraude" et les abus diminueront à la vitesse grand V. Rajoutez à cela un marché de l'emploi sinistré et vous avez fait le tour de la question. Point barre.
Ceci dit, je me pose tout de même des questions sur la sortie de Rebsamen. Est-elle si innocente que cela ? Ne fait-elle pas partie d'une stratégie plus globale mise en place, non par la gauche de base, mais par les gens actuellement au pouvoir, peut-être même sans l'assentiment explicite de Président, stratégie visant à siphonner des voix dans l'électorat de droite par la mise en place d'une politique économique socio-démocrate-libérale; l'objectif étant de conserver le pouvoir en 2017.
Regardez ce qui se passe depuis un petit moment: virage socio-démocrate adopté par Président, CICE, pacte de responsabilité, Président qui passe son temps à faire des bisous aux entrepreneurs, les Pigeons obtenant gain de cause, ... Puis l'arrivée de Valls comme premier ministre. Le discours d'i-celui devant le Medef et sa déclaration d'amour aux entreprises, son discours de La Rochelle qui fit dire à Jacques Séguela: "on dirait du Sarkozy" et à Luc ferry " demain je vote pour Valls", la nomination de Macron à l'économie, celle de Boone auprès de Président, la pseudo polémique sur les 35h, le détricotage de la loi Duflot, le travail du dimanche sur lequel "il pourra y avoir des dérogations" etc, etc, etc.... Le discours nous est présenté comme socio-démocrate, n'est-il pas plus que cela: une stratégie plus subtile, plus longue durée, pour séduire une bonne partie de la droite ?
Valls portée au nues par les sondages et les médias, Macron nouvelle star, ode aux entreprises, mon avis est partagé: Prise en compte des réalités ou stratégie politique ? sans doute un peu des deux. On a largement accusé Sarkozy d'avoir gagné en 2007 en siphonnant des voix dans l'électorat centriste et frontiste, on l'a conspué en 2012, y compris dans son propre camp pour avoir, soi disant sous l'influence de Buisson, extrême-droitiser son discours pour siphonner chez Le Pen. N'assistons-nous pas en ce moment au même type de stratégie ? Le tout au profit du seul Manuel Valls et de ses amis, Président ne valant plus un clou ...
Si sur le plan économique, nous pourrions nous réjouir de cette évolution, sur le plan politique et idéologique, ne rêvons pas: un homme de gauche reste un homme de gauche et ses délires progressistes restent les mêmes. Taubira est toujours là, Belkacem, Touraine aussi et manuel Valls se rase tous les matins, peut-être bien en pensant à 2017...
Folie passagère 2438.
D'accord, pas d'accord: atoilhonneur@voila.fr