Quand Papy Hessel écrivit son truc " Indignez-vous ! ", il fit un véritable carton: plus de 4 millions d'exemplaires vendus. Qu'y disait-il en substance ? Que l'indignation était le ferment de la résistance. Résistance à quoi ? A Israël, à Sarkozy, au capital, à la finance, les trucs habituels qui ne révoltaient plus personne... au grand dam de Papy. Alors convaincus par Papy, on s'est indigné un peu partout dans le monde. Les Indign'ados ont monté des tentes sur les places et les parvis et puis, ils ont plié les gaules, dépités, résignés. Rien ne bougeait. Rien ne bouge et pourtant...
Aujourd'hui, et je ne parlerai que du cas de la France, rien, malgré les promesses de changement, n'a changé. Nous sommes au paroxysme de l'immobilisme, immobilisme que seule la manif du 13 janvier contre le mariage zinzin a quelques temps occulté. Oui, degré maximal d'immobilisme. Étonnant, non ? Pourquoi ? Comment cela est-il possible alors que nous avons toutes les raisons de nous indigner ? Toutes les raisons de lancer des pavés, de foutre le feu à Pôle Emploi, de taper au cul des casseroles, d'envoyer paître les huissiers de justice, de brûler les effigies des gens qui nous gouvernent, de faire la révolution, de bloquer Paris ou d'investir l'Assemblé Nationale et le Château, de brûler nos cartes d'électeurs, de squatter impunément, de refuser de payer plus...
Quelles raisons, me direz-vous ? Mais elles ne manquent pas, tenez, en vrac:
En mai, après des mois de campagne démagogique, hollande, élu, ne cesse de nous mentir, de nous mener en bateau, de truquer les chiffres du chômage, de renier ses promesses, de nommer des gens à des postes sensibles alors qu'il avait promis de ne pas le faire, de trahir la confiance qu'ont mis en lui des milliers de gauchisses, de reculades en reniements, il a berné tout le monde, même ses amis et ses alliés. Ce ne sont pas de bonnes raisons de s'indigner ?
Nous vivons dans une démocratie ou 329 députés pétris d'égalitarisme imbécile votent une loi, prémisse à la marchandisation des corps, sans lever le moindre sourcil sur une manifestation jugée toute juste " consistante " qui rassemble 500 000 personnes à Paris, sur une pétition qui rassemble plus de 693 900 signatures, sur les avis défavorables d’absolument toutes les communautés religieuses du pays, sur la possibilité, devant un tel enjeu, d'envisager un referendum. N'est-ce pas suffisant pour s'indigner ?
Nous vivons dans une démocratie où le gouvernement ne propose rien d'autre que de fliquer un peu plus internet et les réseaux sociaux, ou ce même gouvernement se propose de limiter plus encore vos paiements en espèces, de ficher tous les détenteurs de contrats d'assurance-vie, de continuer d'expulser sans ménagement ni solutions de relogement des Roms par dizaines, expulsions qu'il jugeait moins d'un an avant comme scandaleuses et dignes des HLPSDNH. Un pays gouverné par des gens qui ont tous les pouvoirs, qui " interdisent " d'aller assister à un match de foot en Corse, qui interdisent, quand cela les arrange, les manifestations qui dérangent. Un gouvernement qui part en guerre contre les islamistes du Mali tout en soutenant d'autres islamistes en Syrie ou en Palestine. Des ministres qui célèbrent le ramadan et ne bougent pas le petit doigt quand des pouffiasses dénudées profanent Notre Dame, des ministres qui partent en hiver au soleil alors que leur patron le leur a interdit, des ministres qui génèrent chaque jour des couacs en veux-tu en voila, des ministres qui ne proposent rien de mieux que d'éduquer les loups plutôt que de les tuer, des ministres bisounours qui considèrent que la détention est un frein à la réinsertion des délinquants, des ministres qui paralysés par le nombre sans cesse croissant de chômeurs allument chaque jour des contre-feux pour cacher la misère et le désespoir... Pas de quoi s'indigner ?
Nous vivons dans un pays dans lequel 3,3 millions de chômeurs se taisent, dans lequel 8 millions de personnes vivent sous le seuil de pauvreté, résignés, en silence. Un pays où nos gouvernants sont absolument incapables de résorber le chômage si ce n'est, les cons, en ponctionnant plus encore les entreprises ou les employeurs à domicile ( charges multipliées par 2 sur les emplois à domicile ) ou en inventant des contrats de génération tout justes bon à ne ré-enchanter aucun rêve... Pas de quoi s'indigner selon vous ?
Nous vivons dans une démocratie où tous les pouvoirs sont concentrés dans les mains de quelques élites consanguines totalement déconnectées du réel, où les médias, grassement subventionnées et/ou aux ordres, ne peuvent plus ou n'osent pas dire la vérité, où la politique est devenu un métier avec plan de carrière et points retraites, où le peuple n'a plus son mot à dire si ce n'est lorsqu'il pense à ne pas s'abstenir lors des élections, un pays où nos représentants s'engraissent sans avoir à se justifier ( IRFM), un pays où le décalage de traitement entre ses trop nombreux fonctionnaires et les salariés ne cesse de s'agrandir, un pays où les syndicats ne représentent guère plus qu'eux-mêmes, un pays sclérosé par les corporatismes. Nous sommes dans un pays de 64 millions d'habitants dont le gouvernement ne peut plus prendre la moindre décision importante sans avoir l'aval de l'Union et de ses 26 partenaires tous aussi dissemblables les uns que les autres, une démocratie qui à force de prêcher la laïcité en est devenue bêtement laïcarde, une démocratie où au nom d'une idéologie droitsdelhommiste et d'une lutte sans fin contre les discriminations certains mots deviennent imprononçables et l'Identité contestée chaque jour... Une démocratie où les débats se sont tellement radicalisés qu'il n'y a plus que clivages... Et il n'y aurait pas de quoi s'indigner ?
La liste n'est hélas pas exhaustive mais ce billet est déjà trop long pour que la plupart de ceux qui s'y plongeront trouvent le courage d'aller jusqu'au bout...
Et bien, non, apparemment, il n'y a pas de quoi s'indigner. Tout est calme, tout passe et tout va bien. N'aurions nous plus la force, le courage ou l'envie de nous indigner, de parler, de manifester, de crier notre ras le bol, de foutre le feu et de dresser des barricades ? Jusqu'à quand ?
Ce calme me désespère, il me saisit.
C'est cela, taisons-nous. ILS ne demandent que cela.
Folie passagère 1574.
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