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mardi 20 septembre 2016

Rencontre avec l'Histoire...


Merci, oui, j'ai passé un très bon début de semaine là où une France d'aujourd'hui entend respecter certaines traditions, certaines habitudes, une certaine façon de vivre, là où les vieilles pierres sont protégées, rénovées, entretenues, là où la chasse à courre n'est pas une absurdité barbare d'un autre temps mais un art de vivre, un héritage, une oeuvre de régulation. 

Il n'y a pas plus amoureux des cerfs et des chevreuils que celui qui les chasse et qui sait écouter leurs brames, la nuit, au cœur de ces forêts préservées.

 

Et si financièrement cela en coûte à ceux qui ont choisi ce petit coin protégé, peu importe, ils se placent comme gardiens d'un patrimoine qu'ils préfèrent ne pas remettre entre les mains d'un Etat aussi impotent qu'immobile.


Il y a de la Loire les châteaux que l'on connaît tous et puis ceux inconnus dont, sait-on jamais, je tairais le nom: Préservons-les. De merveilleux châteaux, sans doute moins chargés d’histoire que Blois, Chambord, Chenonceaux ou Azay-le Rideau mais si beaux, si seuls, si isolés que la plupart n'ont jamais vu un car de touristes s'y arrêter. Ils sont planqués dans de petits coins et pour certains d'entre eux, seuls les pays pourront vous y amener. On les visite tranquillement. On s'émerveille de ces petites tours, de ces salles à manger d'époque, de ces escaliers à la Léonard, de ces bibliothèques aux milliers de livres précautionneusement époussetés, de ces trophées de chasse, de ces armes et armures amoureusement entretenues et exposées, de cette vaisselle dans laquelle on aimerait tant manger, de tous ces meubles plusieurs fois centenaires, de ces statues, de cet " ange déchu " qui m'a tant ému... On se prend à penser qu'ici, nul ciment ni fers à béton, que de vieilles pierres et du vieux bois dont on faisait charpentes, poutrelles, meubles et parquets qui craquent encore sous nos pas bien après que chevaliers et seigneurs du coin ne les aient torturés. 

En ces lieux on fait silence, on photographie discrètement, presque par intrusion et l'on déambule sans crainte de l'heure qui passe: on ferme quand il n'y a plus personne, une fois qu'on a fini de déguster dans des coupes en étain un Vouvray " tranquille " et quadragénaire que le propriétaire vous offre parce qu'il sent bien que l'endroit vous a remué et que le choc d'une rencontre avec l'Histoire, par les temps qui courent, bouleverse autant qu'il apaise...

 

Mes ancêtres étaient là, enfin, vous l'aurez compris, pas les miens directement, juste ceux qui ont fait une partie de notre histoire, un morceau de l'histoire de France, de ceux que  l'on peut évoquer sans faire polémique. Sans faire polémique ? Aurions-nous de lointains ancêtres dont nous devrions avoir honte ou rougir quand on se dit Français, quand on se prétend Français, je n'ose l'imaginer...

 

D'un virage que seule l'Histoire peut négocier, l'un de ces châteaux est devenu polonais comme une bonne moitié des habitants du village d'aujourd'hui; n'allez pas les interroger sur leurs origines sinon, offusqués, ils vous sortiront de la grand bibliothèque une Histoire de France en soixante trois volumes et vous diront: elle est là notre Histoire...


Demain, ce sera courses, Paris puis relâche avant de partir six jours en Aveyron avec quelques blogueurs de bonne compagnie. Au programme: Promenades, veillées au coin du feu, flacons de qualité, agapes, ripailles et cochonnailles.

Portez-vous bien !

Folie passagère 3298.
D'accord, pas d'accord: atoilhonneur@yahoo.fr

samedi 14 septembre 2013

Corto part à la chasse... à courre (épisode 2)


L'équipage a été rassemblé dans la cour du château. Le départ pour la chasse est imminent. Il est onze heures. J'ai eu le temps de faire connaissance avec Louxor, ma monture, parait-il, docile. Mouais, nous verrons et si ce n'est l'apparence fière que me donne ma tenue, je n'en mène pas large. Je ne suis pas monté à cheval depuis au moins dix ans et il semble qu'une chasse à courre n'a rien de comparable avec une ballade ou une reprise en manège. J'ai joué le jeu et me voici donc élégant, vêtu d'une redingote noire, d'une culotte assortie, d'un gilet rouge cintré comme il faut et d'une chemise blanche. Mon hôte a eu la gentillesse de me nouer ma lavallière. J'ai chaussé les bottes et pris cravache.

Le maître d'équipage nous fait face et nous assigne à tous nos rôles et les directions à prendre. Les cerfs ont été repérés le matin même, leur localisation est à eu près définie. Nous sommes une quarantaine de cavaliers répartis en 3 groupes. La meute de chiens a été libérée. Nous partons à l'attaque, les chiens devant - après tout, en vérité, les chasseurs, ce sont eux - et nous, les veneurs, derrière. Les chiens crient et, si j'ai bien compris, n'aboieront que plus tard. Nous partons au petit trot, je n'ai jamais aimé cette allure lui préférant le trot enlevé. Les suiveux sont partis de leur côté en cortège. Un vrai temps d'automne, humide et frais. L'allure forcit peu à peu. Mon groupe part à gauche là où une grande allée forestière s'offre à nous. Déjà bien en avant, les chiens crient et courent à fond. Leur flair et leur instinct leur feront retrouver rapidement la piste des cerfs. Si ceux-ci sont plusieurs, les chiens feront leur choix et n'en poursuivront qu'un. Les premiers coups de trompes résonnent déjà dans la forêt. A chaque son correspond un mot que seul les initiés, chiens compris, pourront comprendre. Ceux qui sonnent, toujours d'après ce que j'ai compris, indiquent aux autres groupes (mais aussi aux suiveux) si un cerf est pris en chasse et la direction à suivre. Autant dire que je n'ai pas intérêt à m'isoler des autres. Le rythme s'accélère peu à peu. Les coups de trompes se font plus fréquents. Nous galopons régulièrement, changeons souvent de direction, traversons allées et parcourons des kilomètres sur divers sentiers. Jusque là rien d'extraordinaire si ce n'est une ballade mouvementée dans des paysages somptueux. Un premier regroupement a lieu quelques temps plus tard. Le Maître redonne cohésion à l'ensemble, le cerf est identifié et pisté sans relâche par les chiens qui crient plus que jamais.

Le Piqueux, responsable des chiens, les a enfin lâché; en fait, avec des cris soutenus et puissants, ils les motive, les "bouscule". Les cris du Piqueux sont curieux et, hors le cadre, sans doute passerait-il pour un fou furieux. Le rythme est de plus en plus soutenu et les sons des trompes se succèdent de plus en plus rapidement. La seule chose que je comprends c'est qu'à en croire l'accélération et des chevaux et des coups de trompes, la fin semble proche. la promenade s'est  transformée en véritable cross-country monté. Il m'arrive de pousser des cris, pas tout à fait rassuré. Nous franchissons, comme dans les films, un ruisseau. Malgré les éclaboussures, j'ai chaud. Nous stoppons un instant; on me dit que les chiens maintenant ne crient plus, ils aboient, le cerf doit être acculé. Seuls les initiés entendent ce changement de ton. Le cerf est aux abois, une sonnerie, l’hallali, retentit. Nous nous pressons pour ne pas arriver les derniers. Malgré les images que je redoute un peu, je veux voir, tout voir. Etre là lorsque le cerf, tenu en respect par les chiens, sera servi (tué) d'un coup de dague bien placé. La manœuvre est assez dangereuse. C'est le Piqueux qui, ce jour-là officiera; pas de chance, notre groupe arrivera juste après. L'animal est mort. Tous les cavaliers se réunissent autour, à cheval ou en mettant pied à terre. Les sonneurs lui rendent un hommage. N'en déplaise aux contempteurs, la scène est assez émouvante.

Retour tranquille au château. Les chiens et l'animal, revenus en camions, nous ont précédé. Sur la prairie, tout le monde est rassemblé. Le cerf a été dépecé: la peau et la tête du cerf, d'un seul tenant appelé la nappe, recouvrent les abats. Ils seront offerts aux chiens lors de la curée à venir, curée à laquelle, il serait totalement fou de se joindre. Les morceaux nobles sont distribués aux suiveux. Après le rapport entre initiés, le Maître d'équipage offrira l'un des pieds à une personne de son choix, en l’occurrence à l'un des veneurs dont c'était l'anniversaire et qui se serait illustré pendant la chasse: Il lui rend ainsi les honneurs.

Les hommes de mains s'occupent des chevaux et des chiens. Il ne reste strictement rien de la curée.

J'ai mal au cul mais me joins avec plaisir à l'équipage, dans la salle de chasse, pour casser enfin la croûte. Chacun a amené son panier composé de "sandwiches" et de bonnes bouteilles; autant vous dire que l'on ne saurait, ici, se contenter de vulgaires casse-croûtes à deux balles accompagnés de coca. Que du meilleur ! On se remémore les bons moments de la chasse; je suis complimenté pour ma tenue et ma participation à la chasse même s'il me semble n'avoir rien fait d'autre que de me maintenir en selle. Quatre heures durant.

La chasse se termine par un concert de cornes et de trompes joué par un ensemble d'une dizaine de gars en grande tenue. Superbe pour finir en beauté cette journée. Entre le départ à la chasse et la fin du concert, j'aurai passé huit heures à découvrir un autre monde, une séquence hors-temps inoubliable.

Ce soir, à vingt et une heure, souper est donné au Château... Ces gens-là n'arrêtent jamais.

Demain, une parenthèse, surréaliste pour le profane que je suis, se referme. 

Folie passagère 1900.
Cerf à courre
D'accord, pas d'accord: atoilhonneur@voila.fr

vendredi 13 septembre 2013

Corto s'en va à la chasse ... à courre (épisode 1)


Il fait nuit et tout le monde dort;  j'en profite donc, avant que les ripailles finissent de m'assommer, pour coucher sur ce blog ce que j'ai appris, ces dernières quarante huit heures, de la vénerie, l'art de la chasse à courre.

La chasse à courre, en voilà un truc qui n'est pas politiquement correct, un truc élitiste à souhait, une horreur pour les écolocons, une damnation pour les pleureuses de la cause animale, une cousine de la corrida, une preuve vivante de la bestialité humaine et bien d'autres choses encore... Un truc qui déplaît forcément aux gauchistes.

Et bien tous ceux qui pensent cela auraient tort sur presque toute la ligne. Élitiste et pour gens fortunés ou bien nés, sans aucun doute. Pour le reste... Si un jour vous en avez l'occasion, testez, vous adorerez. La chasse à courre, c'est avant tout, pour ceux qui la pratiquent, une question de traditions et de passion, d'élégance et de courtoisie, de galanterie et de savoir-vivre. Comme avant.. Traditions car ce sport - cet art diront les pratiquants - a toute une histoire, longue, faite de rencontres d'aristocrates et de grands propriétaires fonciers. Il y a des habitudes, un vocabulaire particulier, une hiérarchie et une ambiance insolite. La mixité, ces dames montent depuis aussi longtemps que ces messieurs, est quasi inhérente à sa pratique. A ce jour, il n'y a aucun équipage qui ne soit pas mixte.

A l'origine, cette activité avait une triple fonction: la chasse "alimentaire", divertir les grands de ce monde et, compte-tenu qu'elle était pratiquée exclusivement par ces derniers, elle permettait d’asseoir leur prestige et leur autorité. Aujourd'hui, n'importe qui peut pratiquer à deux conditions, hormis le fait de bien savoir monter à cheval: être pété de thunes ou être invité. Vous l'aurez compris, j'étais invité.

Etre financièrement très à l'aise car être membre permanent d'un équipage nécessite d'être propriétaire, au minimum, de deux chevaux - quatre, c'est mieux -, des tenues particulières (chaque équipage à ses propres tenues et ses couleurs: redingote verte et passements rouge par exemple), du matériel ( trompes, cors, cornes et piboles, sellerie, ...) et de payer annuellement sa cotisation. Cette cotisation dont je n'ai pas réussi à connaître le montant permet essentiellement de salarier une ou plusieurs personnes pour l'élevage de la meute, les véhicules, le dépeçage des bêtes, pardon, des animaux tués, etc... De nos jours, un équipage est une entité, généralement une association, composée d'un nombre de cavaliers pouvant varier de dix à cent pour les plus gros, d'une meute de chiens (40 à 100) et des salariés déjà évoqués. A la tête de l'association, on trouve généralement le gros propriétaire foncier du coin; il est tout naturellement le Maître d'équipage. Il organise les chasses et s'assure du bon fonctionnement de l'association. C'est aussi lui qui donne les consignes d'avant-chasse et tient le rapport  à l'issue de celle-ci. Il négocie le prix et le nombre de bracelets dont sa chasse disposera pour la saison. Chaque animal tué doit être équipé d'un bracelet officiel; toute personne ayant en sa possession un cerf mort sans bracelet sera considéré comme vil braconnier.

On ne devient pas membre d'un équipage comme cela. Il faut non seulement en avoir les moyens mais être officiellement admis. Ainsi, vous pouvez pratiquer au sein d'un équipage mais vous n'aurez le droit d'en porter les couleurs et les habits qu'une fois coopté définitivement par les membres "permanents". Une voix suffit pour être recalé sans qu'il soit nécessaire de justifier le refus. Viendra ainsi, au bout d'un an ou de dix, le jour de la remise des boutons. En attendant, vous portez redingote noire. Au cours d'une cérémonie, le Maître d'équipage remet deux boutons, un grand et un petit; ceux-là même qui orneront la veste et les gilets du récipiendaire. La personne m'ayant invité fut "boutonné" au bout de dix ans. Il apprit bien plus tard, par une indiscrétion, que cette attente était due au fait qu'un de ses enfants s'était battu à l'école avec le cousin d'un des membres permanents et qu'il obtenait enfin ses boutons que par la grâce du décès du membre réfractaire. Seuls les boutonnés peuvent inviter quelqu'un à chasser sous réserve de l'acceptation du Maître d'équipage.

Ainsi brossée la scène, partent donc à la chasse: l'équipage, ses éventuels invités et la meute de chiens. S'y joignent, en camionnettes et camions, les hommes de mains ( les sus-cités salariés) et en voiture ou en vélo, les suiveux. Les suiveux, ce sont les gens du coin: les paysans, les fermiers, les artisans, les employés du château, les retraités, les devenus trop âgés pour monter; en gros, les pays, uniquement, qui aimeraient monter mais qui ne peuvent pas ou qui ne peuvent plus. La chasse est leur distraction, elle fait partie de leurs habitudes. Les suiveux sont tout autant attachés aux rites de la chasse que l'équipage et vomissent ceux qui prétendent l'interdire. Une chasse peu donc regrouper jusqu'à trois ou quatre cent personnes: en moyenne une trentaine de chevaux, une quarantaine de chiens et une centaine de véhicules. Les chevaux empruntent chemins, forêts et allées forestières, futaies et terrains en friche; on ne traverse plus aujourd'hui de terres cultivées. Les chiens coupent à travers bois et champs. Les suiveux prennent les routes, les chemins praticables et voisins de la chasse.

La chasse, proprement dite, celle qui mit à mal mon séant, plus habitué aux coussins et fauteuils confortables qu'à la rudesse d'une selle, dure en moyenne quatre heures.

Actuellement, en France, il y a environ huit cents équipages de chasse à courre dont près de quatre cents pour la chasse aux cerfs. C'est à l'une de celle-ci qu'il me fut donné de participer. Les quatre cents autres se répartissant entre chasse aux chevreuils, aux renards, aux sangliers et autres lièvres.

Le décor et les personnages sont en place. La chasse peut commencer. J'aurai le plaisir de vous raconter cela demain. La politique attendra.

Folie passagère 1899.

D'accord, pas d'accord: atoilhonneur@voila.fr

France, 2019.