Il fait nuit et tout le monde dort; j'en profite donc, avant que les ripailles finissent de m'assommer, pour coucher sur ce blog ce que j'ai appris, ces dernières quarante huit heures, de la vénerie, l'art de la chasse à courre.
La chasse à courre, en voilà un truc qui n'est pas politiquement correct, un truc élitiste à souhait, une horreur pour les écolocons, une damnation pour les pleureuses de la cause animale, une cousine de la corrida, une preuve vivante de la bestialité humaine et bien d'autres choses encore... Un truc qui déplaît forcément aux gauchistes.
Et bien tous ceux qui pensent cela auraient tort sur presque toute la ligne. Élitiste et pour gens fortunés ou bien nés, sans aucun doute. Pour le reste... Si un jour vous en avez l'occasion, testez, vous adorerez. La chasse à courre, c'est avant tout, pour ceux qui la pratiquent, une question de traditions et de passion, d'élégance et de courtoisie, de galanterie et de savoir-vivre. Comme avant.. Traditions car ce sport - cet art diront les pratiquants - a toute une histoire, longue, faite de rencontres d'aristocrates et de grands propriétaires fonciers. Il y a des habitudes, un vocabulaire particulier, une hiérarchie et une ambiance insolite. La mixité, ces dames montent depuis aussi longtemps que ces messieurs, est quasi inhérente à sa pratique. A ce jour, il n'y a aucun équipage qui ne soit pas mixte.
A l'origine, cette activité avait une triple fonction: la chasse "alimentaire", divertir les grands de ce monde et, compte-tenu qu'elle était pratiquée exclusivement par ces derniers, elle permettait d’asseoir leur prestige et leur autorité. Aujourd'hui, n'importe qui peut pratiquer à deux conditions, hormis le fait de bien savoir monter à cheval: être pété de thunes ou être invité. Vous l'aurez compris, j'étais invité.
Etre financièrement très à l'aise car être membre permanent d'un équipage nécessite d'être propriétaire, au minimum, de deux chevaux - quatre, c'est mieux -, des tenues particulières (chaque équipage à ses propres tenues et ses couleurs: redingote verte et passements rouge par exemple), du matériel ( trompes, cors, cornes et piboles, sellerie, ...) et de payer annuellement sa cotisation. Cette cotisation dont je n'ai pas réussi à connaître le montant permet essentiellement de salarier une ou plusieurs personnes pour l'élevage de la meute, les véhicules, le dépeçage des bêtes, pardon, des animaux tués, etc... De nos jours, un équipage est une entité, généralement une association, composée d'un nombre de cavaliers pouvant varier de dix à cent pour les plus gros, d'une meute de chiens (40 à 100) et des salariés déjà évoqués. A la tête de l'association, on trouve généralement le gros propriétaire foncier du coin; il est tout naturellement le Maître d'équipage. Il organise les chasses et s'assure du bon fonctionnement de l'association. C'est aussi lui qui donne les consignes d'avant-chasse et tient le rapport à l'issue de celle-ci. Il négocie le prix et le nombre de bracelets dont sa chasse disposera pour la saison. Chaque animal tué doit être équipé d'un bracelet officiel; toute personne ayant en sa possession un cerf mort sans bracelet sera considéré comme vil braconnier.
On ne devient pas membre d'un équipage comme cela. Il faut non seulement en avoir les moyens mais être officiellement admis. Ainsi, vous pouvez pratiquer au sein d'un équipage mais vous n'aurez le droit d'en porter les couleurs et les habits qu'une fois coopté définitivement par les membres "permanents". Une voix suffit pour être recalé sans qu'il soit nécessaire de justifier le refus. Viendra ainsi, au bout d'un an ou de dix, le jour de la remise des boutons. En attendant, vous portez redingote noire. Au cours d'une cérémonie, le Maître d'équipage remet deux boutons, un grand et un petit; ceux-là même qui orneront la veste et les gilets du récipiendaire. La personne m'ayant invité fut "boutonné" au bout de dix ans. Il apprit bien plus tard, par une indiscrétion, que cette attente était due au fait qu'un de ses enfants s'était battu à l'école avec le cousin d'un des membres permanents et qu'il obtenait enfin ses boutons que par la grâce du décès du membre réfractaire. Seuls les boutonnés peuvent inviter quelqu'un à chasser sous réserve de l'acceptation du Maître d'équipage.
Ainsi brossée la scène, partent donc à la chasse: l'équipage, ses éventuels invités et la meute de chiens. S'y joignent, en camionnettes et camions, les hommes de mains ( les sus-cités salariés) et en voiture ou en vélo, les suiveux. Les suiveux, ce sont les gens du coin: les paysans, les fermiers, les artisans, les employés du château, les retraités, les devenus trop âgés pour monter; en gros, les pays, uniquement, qui aimeraient monter mais qui ne peuvent pas ou qui ne peuvent plus. La chasse est leur distraction, elle fait partie de leurs habitudes. Les suiveux sont tout autant attachés aux rites de la chasse que l'équipage et vomissent ceux qui prétendent l'interdire. Une chasse peu donc regrouper jusqu'à trois ou quatre cent personnes: en moyenne une trentaine de chevaux, une quarantaine de chiens et une centaine de véhicules. Les chevaux empruntent chemins, forêts et allées forestières, futaies et terrains en friche; on ne traverse plus aujourd'hui de terres cultivées. Les chiens coupent à travers bois et champs. Les suiveux prennent les routes, les chemins praticables et voisins de la chasse.
La chasse, proprement dite, celle qui mit à mal mon séant, plus habitué aux coussins et fauteuils confortables qu'à la rudesse d'une selle, dure en moyenne quatre heures.
Actuellement, en France, il y a environ huit cents équipages de chasse à courre dont près de quatre cents pour la chasse aux cerfs. C'est à l'une de celle-ci qu'il me fut donné de participer. Les quatre cents autres se répartissant entre chasse aux chevreuils, aux renards, aux sangliers et autres lièvres.
Le décor et les personnages sont en place. La chasse peut commencer. J'aurai le plaisir de vous raconter cela demain. La politique attendra.
Folie passagère 1899.
D'accord, pas d'accord: atoilhonneur@voila.fr
La chasse, proprement dite, celle qui mit à mal mon séant, plus habitué aux coussins et fauteuils confortables qu'à la rudesse d'une selle, dure en moyenne quatre heures.
Actuellement, en France, il y a environ huit cents équipages de chasse à courre dont près de quatre cents pour la chasse aux cerfs. C'est à l'une de celle-ci qu'il me fut donné de participer. Les quatre cents autres se répartissant entre chasse aux chevreuils, aux renards, aux sangliers et autres lièvres.
Le décor et les personnages sont en place. La chasse peut commencer. J'aurai le plaisir de vous raconter cela demain. La politique attendra.
Folie passagère 1899.
D'accord, pas d'accord: atoilhonneur@voila.fr
Dans mes bras !
RépondreSupprimerLes amateurs de chasse à courre se fond rare en nos contrées progressistes. J'ai eu à plusieurs reprises le plaisir de faire partie des suiveux et une fois d'être invité. Des heures particulièrement grisantes, certainement parmi les plus beaux souvenirs de ma vie, avec celles où j'ai découvert la corrida.
Et merde à tous les picrocholins.
@Koltchack: Se font rares ? Certes mais ils sont tout de même environ 4000 en France sans compter les suiveurs. Ce qui est assez génial c'est d'une part toute la micro économie qui tourne autour: selliers, cuir, vétos, camions, etc..; tout un petit monde en soi. Et d'autre part, l'ambiance totalement démunie de toute vulgarité. Le côté tradi est aussi assez impressionant
Supprimerbon, comme tu le sais, je fait parti des pleureuses de la cause animale, alors , se mettre à 400 pour abattre un cerf, si malin et fort soit-il, une fois l'avoir coursé et épuisé pendant des heures et l'abattre alors qu'il est dos au " mur" et qu'on ne lui laisse aucune chance, me semblera toujours le comble de la connerie, mais pour une fois qu'on est pas d'accord toi et moi, hein !! mais tu as raison, c'est comme la corrida, je rêve qu'on mettre un torero à la place du taureau et qu'on lui file des flèche dans le cul en le coursant dans l'arêne à cheval avant de lui couper les oreilles et la queue, malheureusement, je n'aurai jamais ce plaisir
RépondreSupprimerje te fait pleins de gros bisous et reviens vite, entier si possible
@Boutfil: ah non, seuls les cavaliers peuvent eventuellement etre accusé d'éventuelle connerie, les autres ne font que suivre. J'aurai sans doute un peu juger comme toi avant d y aller. Mais quel monde unique fait de traditions de savoir vivre , de bonnes manières et toussa. Vraiment a découvrir.
SupprimerQuant à la chasse elle meme, finie le temps ou l on chassait à tort et a travers, elle a une fonction régulatrice aujourd hui et un quota est fixée chaque année que personne de ce monde là ne s amuserait a dépasser.
Statistique intéressante en indre et loire, entre 1993 et 2000, il y a plus de cerfs et de sangliers tués suite à une collision avec des véhicules sur les routes que par la chasse. Je me souviens du chiffre pour les sangliers, 94% sont tués suite à une collision avec une voiture !
Seriez-vous du côté de Loches ?
SupprimerBonne chasse !
il fût un temps où les suiveurs étaient aussi coupables que les autres..et de nos jours encore....mais bon amuses toi bien
Supprimer@Michelle: Dans le mille !
Supprimer@Boutfil: On ne va pas se fâcher pour quelques cerfs ... Si ? :)
mais Noooon ! tu paieras ton coup c'est tout...lol...
SupprimerJ'ai eu la chance de pouvoir "suivre" une fois.
SupprimerComme Corto, j'ai apprécié le respect des traditions et le savoir-vivre. Devenus si rares...
Comme Boutfil, cela me rend triste pour ces beaux animaux. Même si, effectivement, cette chasse sert essentiellement à la régulation nécessaire. Et de façon insignifiante par rapport aux accidents routiers (avec aussi des morts humains).
Pour moi, cette journée est d'autant plus inoubliable que, bien qu'acculé dans une mare, le cerf a réussi à s'échapper. Et les chasseurs sont revenus furieux, mais ont su rendre hommage à la vaillance et au courage de leur gibier.
Donc, ce jour-là, que du bonheur. Du moins pour moi :-)
Vivement la suite ! Tout un monde à découvrir.
RépondreSupprimer@Vlad: ce soir ! Mais oui vraiment un monde unique a découvrir, très particulier, un truc assez "hors du temps "
SupprimerTaïaut !
RépondreSupprimer@Al Weest: le taïaut ne se fait pas n importe quand ni par n importe qui ! :)
SupprimerJe ne suis PAS n'importe qui ! -)
SupprimerBonjour,
RépondreSupprimerJe ne chasse malheureusement plus (manque de disponibilité) et, si j'avais appris à monter, c'est avec un grand plaisir que j'aurai participé à ce genre de manifestation. Il m'est doux de penser que, dans la société de pisse-vinaigres que devient la société française, il existe encore (pour combien de temps???) quelques oasis comme celui-ci (n'en déplaise à certain, je préfère de loin la Corrida ou la chasse à courre aux modernes jeux du cirque que sont les matchs de football!!!). Anecdote, du côté de Pau subsiste encore la chasse au renard, reliquat de l'époque où les anglais (riches à très riches) venaient en villégiature sur la côte basque et dans le Béarn. N'entre pas qui veux au sein des rares équipages qui exercent encore mais, par Dieu, quelle classe.
Bonne journée
@H. C'est effectivement un monde complètement à part que maintenant je ne jugerais plus de la même façon. Le côté " policé " de la chose est très appréciable. Elitiste dans tous les sens du terme, ce qui ne manque pas d'interêt. ça change de la vulgarité ambiante et du conformisme imposé.
Supprimerje deteste tout autant le foot et les jeux imbéciles du cirque actuel, sans être " pisse-froid" pour autant , j'ai beaucoup fréquenté des chasseurs, en particuliers dans le Berry, et franchement, ça ne relevait pas de l'élite de la nation...peut-être que ceux là, du haut de leur suffisance à faire parti de l'élite ne se conduisent pas en viandards, mais pour l'instant, pour ce que j'en ai vu pendant plusieurs années, ça ne me rends pas la catégorie franchement sympathique..
SupprimerEt le cerf, il est aussi invité à cette séance de torture urf?
RépondreSupprimer@Pangloss: je vais raconter la suite, c'est ignoble, odieux, barbare, monstrueux ! nan, je déconne
SupprimerLes "hommes de main", les "suiveux" d'accord, mon cher Corto, mais ils sont syndiqués, ces gens-là ?
RépondreSupprimerVous n'en dites rien !
@marianne: pas posé la question mais je ne pense pas me tromper en disant que tous ces gens se fiche royalement de cela, voire que ça leur est totalement étranger
SupprimerUn endroit si classieux,je n'aurais point ma place et de toute façon, les seules mammifères que j' ai chassé au temps furent de jolies donzelles et croyez c'est du sport surtout avec un physique comme le mien, mais ça c'était avant.
RépondreSupprimerPour la corrida, je dois avouer que lorsque le gars en habit de clown se fait bousculé par le taureau me ravit mais on m'objectera que je n'y connais rien et alors je connais pratiquement sur l'art, cela ne m'empêche pas d'avoir un avis sur un tableau ou un autre.
Quelle idée qu'elle est bonne !
RépondreSupprimerLa vènerie (accent grave :) est le parangon du sport complet. Royal-Artillerie parla d'elle et ses chiens par ici et donna un cours de trompe de chasse par là.
Seule exigence, avoir pratiqué. Ce qui dans votre cas est acquis incessamment sous peu.
D'accord avec Boutfil, la vènerie en Range Rover c'est immonde ; mais nous ne parlons pas de ça.
@catoneo: il semblerait que l'accent aiguë soit aussi admis.
SupprimerOn peut en penser ce que l on veut mais quelle expérience en ce qui me concerne!
Pour la pratique, cela faisait 10 ans au moins que je n avais pas posé mes fesses sur un cheval. La prochaine fois, si cela se renouvelle, je m achèterai des caleçons rembourrés
La même racine donne "venaison","veneur", le premier "e" est accentué si le second est muet, mais dans le milieu de la chasse à courre j'ai plus souvent entendu l'accent grave (drosophilie :).
SupprimerIl y a aussi des selles de chasse plus souples pour les vieux piqueurs.
Très intéressant.
RépondreSupprimer]aristide: passionnant, oui !
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