jeudi 20 avril 2017

Quand Alexis de Tocquevile pulvérise Mélenchon et tous ceux qui se réclament du socialisme



Via Aristide, Ci dessous, discours d'Alexis de Tocqueville prononcé le 12 septembre 1848 devant l’Assemblée Constituante, assemblée chargée précisément d’établir une nouvelle Constitution après la révolution de février qui avait chassé Louis-Philippe ou " Comment pulvériser façon puzzle tous ceux qui se réclament du socialisme ". A méditer à quelques heures du premier tour de l'élection présidentielle...

" Si je ne me trompe, messieurs, le premier trait caractéristique de tous les systèmes qui portent le nom de socialisme, est un appel énergique, continu, immodéré, aux passions matérielles de l’homme. 

C’est ainsi que les uns ont dit qu’il s’agissait de réhabiliter la chair [Saint-Simon] ; que les autres ont dit qu’il fallait que le travail, même le plus dur, ne fut pas seulement utile, mais agréable ; que d’autres ont dit qu’il fallait que les hommes fussent rétribués non pas en proportion de leur mérite, mais en proportion de leurs besoins [Cabet] ; et enfin, que le dernier des socialistes dont je veuille parler est venu vous dire ici que le but du système socialiste et, suivant lui, le but de la révolution de Février, avait été de procurer à tout le monde une consommation illimitée [Proudhon].

J’ai donc raison de dire, c’est une attaque tantôt directe, tantôt indirecte, mais toujours continue, aux principes mêmes de la propriété individuelle. Depuis le premier socialiste qui disait, il y a cinquante ans, que la propriété était à l’origine de tous les maux de ce monde [Babeuf], jusqu’à ce socialiste que nous avons entendu à la tribune et qui, moins charitable que le premier, passant de la propriété aux propriétaires, nous disait que la propriété était un vol [Proudhon], tous les socialistes, tous, j’ose le dire, attaquent d’une manière directe ou indirecte la propriété individuelle.
(...)
Voici le troisième et dernier trait, celui qui caractérise surtout à mes yeux les socialistes de toutes les couleurs et de toutes les écoles, c’est une défiance profonde de la liberté, de la raison humaine ; c’est un profond mépris pour l’individu pris en lui-même, à l’état d’homme ; ce qui les caractérise tous, c’est une tentative continue, variée, incessante, pour mutiler, pour écourter, pour gêner la liberté humaine de toutes les manières ; c’est l’idée que l’Etat ne doit pas seulement être le directeur de la société, mais doit être, pour ainsi dire, le maître de chaque homme - que dis-je ! son maître, son précepteur, son pédagogue ; que, de peur de le laisser faillir, il doit se placer sans cesse à côté de lui, au-dessus de lui, autour de lui, pour le guider, le garantir, le retenir, le maintenir ; en un mot c’est la confiscation, comme je le disais tout à l’heure, dans un degré plus ou moins grand, de la liberté humaine ; à ce point que si, en définitive, j’avais à trouver une formule générale pour exprimer ce que m’apparait le socialisme dans son ensemble, je dirais que c’est une nouvelle formule de la servitude.
(...)
Et enfin, messieurs, quant à la liberté, il y a une chose qui me frappe, c’est que l’Ancien Régime, qui sans doute, sur beaucoup de points, il faut le reconnaitre, était d’une autre opinion que les socialistes, avait cependant, en matière politique, des idées moins éloignées d’eux qu’on ne pourrait le croire. Il était bien plus près d’eux, à tout prendre, que nous. L’Ancien Régime, en effet, professait cette opinion que la sagesse seule est dans l’Etat, que les sujets sont des êtres infirmes et faibles, qu’il faut toujours tenir par la main, de peur qu’ils ne tombent ou ne se blessent ; qu’il est bon de gêner, de contrarier, de comprimer sans cesse les libertés individuelles ; qu’il est nécessaire de réglementer l’industrie, d’assurer la bonté des produits, d’empêcher la libre concurrence. L’Ancien Régime pensait sur ce point, précisément comme les socialistes d'aujourd’hui. Et qu’est-ce qui a pensé autrement, je vous prie ? La Révolution française.

Eh quoi ! messieurs, tout ce grand mouvement de la Révolution française n’aurait abouti qu’à cette société que nous peignent avec délices les socialistes, à cette société réglementée, réglée, compassée, où l’Etat se charge de tout, où l’individu n’est rien, où la société agglomère en elle-même, résume en elle-même toute la force, toute la vie, où le but assigné à l’homme est uniquement le bien-être, cette société où l’air manque ! où la lumière ne pénètre presque plus. Quoi ! ce serait pour cette société d’abeilles et de castors, pour cette société plutôt d’animaux savants que d’hommes libres et civilisés, que la Révolution française aurait été faite !
(...)
Non, messieurs, la démocratie et le socialisme ne sont pas solidaires l’un de l’autre. Ce sont des choses non seulement différentes mais contraires. Serait-ce par hasard que la démocratie consisterait à créer un gouvernement plus tracassier, plus détaillé, plus restrictif que tous les autres, avec cette seule différence qu’on le ferait élire par le peuple et qu’il agirait au nom du peuple ? Mais alors, qu’auriez vous fait ? sinon donner à la tyrannie un air légitime qu’elle n’avait pas, et de lui assurer ainsi la force et la toute puissance qui lui manquaient. La démocratie étend la sphère de l’indépendance individuelle, le socialisme la resserre. La démocratie donne toute sa valeur possible à chaque homme, le socialisme fait de chaque homme un agent, un instrument, un chiffre. La démocratie et le socialisme ne se tiennent que par un mot, l’égalité ; mais remarquez la différence : la démocratie veut l’égalité dans la liberté, et le socialisme veut l’égalité dans la gêne et la servitude.
(...)
La Révolution française, je vous l’ai déjà dit, n’a pas eu la prétention ridicule de créer un pouvoir social qui fit directement par lui-même la fortune, le bien-être, l’aisance de chaque citoyen, qui substituât la sagesse très contestable des gouvernements à la sagesse pratique et intéressée des gouvernés ; elle a cru que c’était assez remplir sa tâche, que de donner à chaque citoyen des lumières et de la liberté.

Elle a eu cette ferme, cette noble, cette orgueilleuse croyance que vous semblez ne pas avoir, qu’il suffit à l’homme courageux et honnête d’avoir ces deux choses, des lumières et de la liberté, pour n’avoir rien de plus à demander à ceux qui le gouvernent."


Ce soir, si vous en avez le courage, regardez dans la lucarne les candidats de gauche exposer leurs idées... et repensez à ce texte...

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D'accord, pas d'accord: atoilhonneur@yahoo.fr

32 commentaires:

  1. Voici un autre texte de Tocqueville, tiré de la démocratie en Amérique, qui me paraît visionnaire et qui explique mon pessimisme latent.

    "Il est, en effet, difficile de concevoir comment des hommes qui ont entièrement renoncé à l'habitude de se diriger eux-mêmes pourraient réussir à bien choisir ceux qui doivent les conduire; et l'on ne fera point croire qu'un gouvernement libéral, énergique et sage, puisse jamais sortir des suffrages d'un peuple de serviteurs.
    Une constitution qui serait républicaine par la tête, et ultra-monarchique dans toutes les autres parties, m'a toujours semblé un monstre éphémère. Les vices des gouvernants et l'imbécillité des gouvernés ne tarderaient pas à en amener la ruine; et le peuple, fatigué de ses représentants et de lui-même, créerait des institutions plus libres, ou retournerait bientôt s'étendre aux pieds d'un seul maître."

    Le Nain

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    1. Le Nain: N'y auarait-il pas de gouvernants sans vice ? Pas de gouverné intelligent ?

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  2. Mon père me disait "avec le socialisme et le communisme c'est toujours pareil , c'est donne moi ta montre et je te donnerai l'heure "
    J'ai gouté deux fois avec le socialisme , françois et françois , et quoi qu'il arrive je serais toujours à droite , même dans l'extrême si besoin en est .

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    1. @ Claude-Henri
      Idem pour moi. :)

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    2. Claude Henri: pour l extrême faut voir, pour la droite assurément ! :)

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  3. Tout ce qu'il y avait de vraiment subversif et nouveau pour le peuple dans la révolution a été censuré, empêché par les réactionnaires qui voulaient garder leurs acquis mais sans avoir l'air de rejeter les idées qui leur ont permis de prendre le pouvoir qu'ils n'avaient pas autant qu'ils l'auraient souhaité quand il y avait un roi, pour n'en récupérer qu'une vague idée informe, celle que Tocqueville valorise avec l'ancien régime, coque vide des idées révolutionnaires pourtant censurées, criminalisées par les mêmes, responsables de la violence du peuple utilisé pour mieux le réduire au silence en faisant porter la responsabilité à ceux qui lui avaient donné la parole. La molesse de ce qui est valorisé cache pourtant mal l'origine et les conséquences de sa vraie violence.

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    1. John: "Tout ce qu'il y avait de vraiment subversif et nouveau pour le peuple dans la révolution a été censuré " tu peux développer, des exemples ?

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    2. l'esclavage en est un.

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  4. Enfin, ce que j'en dis moi...

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  5. Excellent texte que résume cette dernière phrase: "il suffit à l'homme courageux et honnête d'avoir ces deux choses des lumières et de la liberté pour n'avoir rien de plus à demander à ceux qui le gouvernent"

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    1. Pangloss: Belle phrase en effet, une vérité, reste à savoir si il y a beaucoup d'hommes courageux...

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  6. "Ce soir, si vous en avez le courage, regardez dans la lucarne les candidats de gauche exposer leurs idées."
    Oh NON !je regarde Bullitt
    Homo Orcus

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    1. Homo Orcus: excellent film ! Y en a un nettement moins drôle qui est en train de se dérouler sur les Champs Elysées: au moins 1 flic tué, un assaillant abattu , d'autres en fuite

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    2. J'ai éteint l'ordi après le film sans aller zieuter les niouses. Une attaque djihadiste devient tellement banale que les journalopes n'affichent même plus un bandeau d'alerte...
      c'était sur Paris Première
      Homo Orcus

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  7. C'est terrible, ça va faire 200 ans que des penseurs extraordinaires ont su voir (par un raisonnement strictement logique) toutes les conséquences pratiques de cette doctrine, conséquences qui se sont vérifiées tout au long du 20ème siècle. Et au moins un tiers de la population en 2017 est prête à voter pour des Mélenchon Hamon..... Si Dieu existe, il n'a pas donné ses lumières à tout le monde.

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    1. Umadrab: pour que certains brillent, il faut que d'autres soient dans la nuit, c'est comme avec les étoiles

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  8. c'est tellement actuel que c'est en en pleurer ! mais la majorité des Français ne lisent pas Tocqueville, et même, pose la question dans la rue, les moins stupides te citeront la rue et le métro le plus proche, les autres voteront Mélenchon et sa clique de malfaisants

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    1. Boutfil: je crois que Umadrab, ci dessus, résume bien la chose

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  9. Quelle lucidité !
    Un miroir dans lequel les gouvernants et les gouvernés, notamment ceux de la Holandie, pourraient aisément se reconnaître. Combien d'électeurs de Mélenchon ou de Hamon
    Mélenchon connaît certainement très bien les écrits de Tocqueville. Il est heureux pour lui qu'il n'en soit pas de même pour son électorat...

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    1. Mira Destra: "Il est heureux pour lui qu'il n'en soit pas de même pour son électorat..." +1 !!

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  10. On pourrait instaurer un permis de voter mais qui seraient les examinateurs ?
    Donc il ne reste plus qu'à compter sur l'éducation nationale (je préférais instruction publique) pour"éclairer" le peuple et là c'est pas gagné !
    Jipe

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    1. Jipé: c'est pas gagné et pour réformer l 'EN afin qu elle fasse de futurs adultes dignes de ce nom, il faudra des années

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  11. tonton flingueur21 avr. 2017, 00:19:00

    c'est d'une telle lucidité et d'une telle actualité que l'on pourrait croire que Tocqueville disposait d'une machine a voyager dans le temps et avait expérimenté in vivo ce que donnerait réellement appliquée cette doctrine... visionnaire.

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  12. Attention à ne pas dévier de débat : il s'agit ici d'un débat entre libéralisme et socialisme, deux concepts (relativement) clairs, et non d'un débat entre notions de "gauche" et de "droite", beaucoup plus confus qu'on ne le pense :

    http://www.aimerbethune.com/article-notions-de-gauche-et-de-droite-par-elie-arie-116249954.html

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    1. Alors là, sic'est Elie Arié qui pense qui nous le dit...

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    2. Ce sont pourtant des banalités, non ?(mais pas fausses pour autant)

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  13. Le rappel de Le Nain me fait penser à une réflexion similaire de Bastiat.
    On ne peut pas tout avoir en réclamant tout (grosso modo)
    Régis oignon

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  14. Texte admirable cher Corto, le seul problème est de savoir, à aujourd'hui, combien de français sont encore capables de comprendre et de réfléchir sur un tel texte?
    Depuis une quarantaine d'année, les différents gouvernements font tout ce qu'ils peuvent pour nous fabriquer des generations de crétins incapables de penser par eux même et complètement lobotomisés par des hanouna, ruquiers et autres malfaisants télévisuels...

    Marre de ces cons.

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  15. Texte à replacer dans son contexte. À cette époque les enfants de Huit ans pouvaient travailler à la mine Douze heures par jour.

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    1. brindamour, certes, il n empêche , un sacré visonnaire

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France, 2019.