( Carbet sur la Comté ) |
C'était en 1993, en février. J'avais 30 ans. J'avais décidé de rentrer en métropole; plus de six ans chez les fous, à faire le fou aussi, en Guyane et aux Antilles, il suffisait. J'avais quitté mon boulot et il me restait un bon mois à ne rien faire si ce n'est de profiter jusqu'au bout de cette terre sauvage et d'accomplir un vieux rêve. Quelques années auparavant, en Afrique, j'avais lu un livre qui m'avait fortement impressionné: Waiden ou la vie dans les bois de Henri David Thoreau. Je m'étais promis de l'imiter, à ma façon, dès que l'occasion se présenterait. Il était temps. La forêt guyanaise se prêtait parfaitement à l’expérience. La rivière, La Comté, m'attendait; depuis longtemps, avec les potes, j'y passais de nombreux week-ends sur un carbet en à peu près bon état. A deux heures de route de Cayenne, puis une bonne heure de bateau. A moteur le bateau, faut pas déconner, non plus. La Comté, le week-end, c'est comme un boulevard mais la semaine, il n'y a personne, vraiment personne.
J'avais donc décidé d'y passer deux semaines. Seul. Nous passâmes le samedi et le dimanche avec les potes, à faire la fête, comme à chaque fois puis ils repartirent, m'abandonnant à mon sort. J"avais des provisions jusqu'au ravitaillement du samedi suivant: de l'eau potable, 20 litres de mémoire, à manger, des allumettes, des cigarettes, un peu d'herbe qui fait rire, un carnet à spirale, un stylo et une bouteille de Johnny Walker. Pas de montre. Pas de livres, pas de musique: on n'est pas seul avec un bouquin, encore moins avec des décibels.
La première soirée, c'est assez facile. J'aménage mon carbet, je fais des provisions de bois, installe mon hamac, le vrai hamac brésilien. J'allume le feu, me prépare à manger, je me souviens même de ce premier dîner: une côte de porc au barbecue et deux trois patates en papillote, naturellement carbonisées. Un verre de Johnny pour l'apéritif. Et puis voilà. T'as tout fait, tu n'as plus rien à faire. Et là, tu commences à tourner en rond en attendant que le sommeil te saisisse. Cigarette au bord de la rivière, un bain de minuit dans la rivière, une cigarette à nouveau et peu à peu le calme qui s'installe et la forêt qui se réveille au même moment que les premiers singes hurleurs. Les singes hurleurs, les entendre, la nuit, c'est flippant. Sont-il près ? Loin ? Je n'en vis aucun mais je les savais là, je les entendais ou croyais les entendre. La forêt s'anime, elle bruisse de sons étranges qu'il est impossible d'identifier: feuilles qui se mêlent, arbres qui grincent, animaux qui se promènent ? La rivière aussi fait ses bruits: clapotis, vaguelettes et poissons qui sautent. Les moustiques... Pour ceux-là, la recette est assez simple: se couvrir tout le corps et ne pas hésiter à faire de la fumée; passée l'heure, passée la fête, eux-aussi vont se coucher. Comme moi. La nuit tombe tôt en Guyane, vers 19 heures de mémoire. A quelle heure me suis-je couché ce premier soir ? Aucune idée. Duvet et hamac, trouver le sommeil avec ce bruit... avec tout de même les chocottes, cette première nuit. Difficile mais pas impossible, il suffit d'attendre et de s'interroger sur quoi demain sera fait.
Réveil au petit matin, les singes hurleurs se sont tus. Il fait frais mais pas froid, il ne fait jamais froid en Guyane. On dit la tête dans le cul quand on se lève dans le cirage, j'ai peu dormi finalement et soyons honnête, je n'étais pas tranquille. Je me secoue, rallume le feu, me fait chauffer de l'eau. Café. Puis plonger nu dans la rivière, tête la première. Ça ravigote, fouette le sang et j'en profite pour me savonner et me laver les dents. La toilette, quoi, presque comme à la maison si ce n'est ce moment pénible où tu t'aperçois que tu as pensé à tout sauf à prendre une serviette de toilette. Alors, il ne reste plus qu'à attendre, sécher dans le petit vent du matin. Café. Et là, je réalise que toute cette activité, au réveil, a du me prendre, trente minutes, quarante, peut-être; reste plus qu'à savoir comment meubler la journée...
Aller en forêt, c'est comme ça que l'on dit là-bas, on ne s'y promène pas, on y va et on fait gaffe où on met les pieds. On regarde autour de soi, on regarde les arbres, parce qu'on a tous vu des films où les gars, dans la forêt, ils se font attaquer par des bestioles. Et il y a des bestioles: des serpents, des singes, des tapirs, des opossums, des grisons, des tatous, des grenouilles des araignées, des moustiques, des aras, des oiseaux, plein de trucs en fait. On dit même qu'il y aurait encore quelques lynx. En quinze jours, je ne verrai que des oiseaux, un tatou et un serpent.
Comment meubler ces quelques journées de silence ? Non, pas de silence; de bruit, de bruits de la forêt et de la rivière, comment les meubler ? On apprend vite sans même s'en rendre compte, sans pudeur, sans retenue. On s'aime parce qu'on ne peut rester seul sans aimer. On se parle à soi-même: Je parle à voix haute, je parle aux arbres, à la rivière, aux autres. Je chante. J'écris sur ce carnet à spirale et je crie parce que c'est bon de pouvoir crier sans gêner personne. Je tente avec une branche, un fil et un hameçon bricolé de pêcher, peine perdue, je n'aime pas la pêche. Je me lave, je me rase une fois ou deux; à l'eau froide. Je réfléchis. Je pense aux trente premières années et aux trente à venir, aux amis, aux amants, à la famille, aux cons. Je prie parce que l'on n'a pas besoin de croire en Dieu pour prier. J'ai même pleuré à un moment; il avait plu ce jour-là, me semble-t-il. Je fais de l’exercice, des pompes, des tractions, je nage. Je me souviens même de m'être fait beau, un soir, rien que pour moi. Je mange. Je bois. Je fume cette herbe que je ne fumerais plus, seul, ça fout trop les jetons. J'attends que le temps passe et p'tain qu'il passe lentement lorsque l'on est seul. Je me blesse au pied sur un rocher et je m'imagine mourir parce qu'on aime bien se faire des films. Et j'écris.
La semaine s'écoulera, puis la suivante, séparée l'une de l'autre par le ravitaillement, en dehors de quoi personne, si ce n'est cette pirogue qui passa, me salua et continua sa route.. Puis cet isolement volontaire, souhaité, rêvé, prendra fin car tous les excellents moments ont forcément une fin. Pour un nouveau départ. Pour rien au monde je ne voudrais revivre ces quelques jours pour la simple raison que ce qui est extraordinaire ne se rejoue pas.
En faisant du rangement cet après-midi, j'ai ressorti ce vieux carnet à spirale. Les pages, pour certaines, sont jaunies. L'encre, par endroit, s'est absentée. Les spirales sont un peu rouillées. Ce vieux carnet a plus de vingt cinq ans. Il commence en 1988, j'étais en Guadeloupe, il s'arrête en février 1993.
Folie passagère 2519.
J'avais donc décidé d'y passer deux semaines. Seul. Nous passâmes le samedi et le dimanche avec les potes, à faire la fête, comme à chaque fois puis ils repartirent, m'abandonnant à mon sort. J"avais des provisions jusqu'au ravitaillement du samedi suivant: de l'eau potable, 20 litres de mémoire, à manger, des allumettes, des cigarettes, un peu d'herbe qui fait rire, un carnet à spirale, un stylo et une bouteille de Johnny Walker. Pas de montre. Pas de livres, pas de musique: on n'est pas seul avec un bouquin, encore moins avec des décibels.
La première soirée, c'est assez facile. J'aménage mon carbet, je fais des provisions de bois, installe mon hamac, le vrai hamac brésilien. J'allume le feu, me prépare à manger, je me souviens même de ce premier dîner: une côte de porc au barbecue et deux trois patates en papillote, naturellement carbonisées. Un verre de Johnny pour l'apéritif. Et puis voilà. T'as tout fait, tu n'as plus rien à faire. Et là, tu commences à tourner en rond en attendant que le sommeil te saisisse. Cigarette au bord de la rivière, un bain de minuit dans la rivière, une cigarette à nouveau et peu à peu le calme qui s'installe et la forêt qui se réveille au même moment que les premiers singes hurleurs. Les singes hurleurs, les entendre, la nuit, c'est flippant. Sont-il près ? Loin ? Je n'en vis aucun mais je les savais là, je les entendais ou croyais les entendre. La forêt s'anime, elle bruisse de sons étranges qu'il est impossible d'identifier: feuilles qui se mêlent, arbres qui grincent, animaux qui se promènent ? La rivière aussi fait ses bruits: clapotis, vaguelettes et poissons qui sautent. Les moustiques... Pour ceux-là, la recette est assez simple: se couvrir tout le corps et ne pas hésiter à faire de la fumée; passée l'heure, passée la fête, eux-aussi vont se coucher. Comme moi. La nuit tombe tôt en Guyane, vers 19 heures de mémoire. A quelle heure me suis-je couché ce premier soir ? Aucune idée. Duvet et hamac, trouver le sommeil avec ce bruit... avec tout de même les chocottes, cette première nuit. Difficile mais pas impossible, il suffit d'attendre et de s'interroger sur quoi demain sera fait.
Réveil au petit matin, les singes hurleurs se sont tus. Il fait frais mais pas froid, il ne fait jamais froid en Guyane. On dit la tête dans le cul quand on se lève dans le cirage, j'ai peu dormi finalement et soyons honnête, je n'étais pas tranquille. Je me secoue, rallume le feu, me fait chauffer de l'eau. Café. Puis plonger nu dans la rivière, tête la première. Ça ravigote, fouette le sang et j'en profite pour me savonner et me laver les dents. La toilette, quoi, presque comme à la maison si ce n'est ce moment pénible où tu t'aperçois que tu as pensé à tout sauf à prendre une serviette de toilette. Alors, il ne reste plus qu'à attendre, sécher dans le petit vent du matin. Café. Et là, je réalise que toute cette activité, au réveil, a du me prendre, trente minutes, quarante, peut-être; reste plus qu'à savoir comment meubler la journée...
Aller en forêt, c'est comme ça que l'on dit là-bas, on ne s'y promène pas, on y va et on fait gaffe où on met les pieds. On regarde autour de soi, on regarde les arbres, parce qu'on a tous vu des films où les gars, dans la forêt, ils se font attaquer par des bestioles. Et il y a des bestioles: des serpents, des singes, des tapirs, des opossums, des grisons, des tatous, des grenouilles des araignées, des moustiques, des aras, des oiseaux, plein de trucs en fait. On dit même qu'il y aurait encore quelques lynx. En quinze jours, je ne verrai que des oiseaux, un tatou et un serpent.
Comment meubler ces quelques journées de silence ? Non, pas de silence; de bruit, de bruits de la forêt et de la rivière, comment les meubler ? On apprend vite sans même s'en rendre compte, sans pudeur, sans retenue. On s'aime parce qu'on ne peut rester seul sans aimer. On se parle à soi-même: Je parle à voix haute, je parle aux arbres, à la rivière, aux autres. Je chante. J'écris sur ce carnet à spirale et je crie parce que c'est bon de pouvoir crier sans gêner personne. Je tente avec une branche, un fil et un hameçon bricolé de pêcher, peine perdue, je n'aime pas la pêche. Je me lave, je me rase une fois ou deux; à l'eau froide. Je réfléchis. Je pense aux trente premières années et aux trente à venir, aux amis, aux amants, à la famille, aux cons. Je prie parce que l'on n'a pas besoin de croire en Dieu pour prier. J'ai même pleuré à un moment; il avait plu ce jour-là, me semble-t-il. Je fais de l’exercice, des pompes, des tractions, je nage. Je me souviens même de m'être fait beau, un soir, rien que pour moi. Je mange. Je bois. Je fume cette herbe que je ne fumerais plus, seul, ça fout trop les jetons. J'attends que le temps passe et p'tain qu'il passe lentement lorsque l'on est seul. Je me blesse au pied sur un rocher et je m'imagine mourir parce qu'on aime bien se faire des films. Et j'écris.
La semaine s'écoulera, puis la suivante, séparée l'une de l'autre par le ravitaillement, en dehors de quoi personne, si ce n'est cette pirogue qui passa, me salua et continua sa route.. Puis cet isolement volontaire, souhaité, rêvé, prendra fin car tous les excellents moments ont forcément une fin. Pour un nouveau départ. Pour rien au monde je ne voudrais revivre ces quelques jours pour la simple raison que ce qui est extraordinaire ne se rejoue pas.
En faisant du rangement cet après-midi, j'ai ressorti ce vieux carnet à spirale. Les pages, pour certaines, sont jaunies. L'encre, par endroit, s'est absentée. Les spirales sont un peu rouillées. Ce vieux carnet a plus de vingt cinq ans. Il commence en 1988, j'étais en Guadeloupe, il s'arrête en février 1993.
Folie passagère 2519.
D'accord, pas d'accord: atoilhonneur@voila.fr
Merci pour ce moment, Corto !
RépondreSupprimerEt bienvenue dans ce monde de fous !
@Idel: merci pour ce moment ! tu ne manques pas d'humour, je doute que ce billet fasse 500 000 lecteurs ! :)
Supprimerc'est une belle histoire, se souvenir, re-lire sa vie, revivre de jolies choses
RépondreSupprimerbisous
@Boutfil: de très bons souvenirs, en effet. Bisous
SupprimerMerci Corto, je connais bien ces moments dont tu parles et que j'ai pu aussi apprécier.
RépondreSupprimerJe te souhaite un bon séjour dans ce monde de fou et qui le devient de plus en plus.
Bernard de Thailande
@Berbard: au moins dans le jungle, on est finalement au calme. Monde de fous , oui de plus en plus.
SupprimerMieux vaut être seul qu'en mauvaise compagnie surtout si celle ci est socialiste, merci pour cette interlude pittoresque.
RépondreSupprimer@Grandpas: c'était l interlude du dimanche, un dimanche par ailleurs sans interêt question politique
SupprimerIls ont arrêté leur conneries en socialie?
RépondreSupprimer@Zen aztec: pensestu ! j aurai pu faire un billet sur ségolène Royal après sa prestation sur Europe mais il n aurait tenu qu a très peu de choses: vacuité et foutage de gueule
SupprimerMerci pour ce texte, l'ami.
RépondreSupprimer"J'attends que le temps passe et p'tain qu'il passe lentement lorsque l'on est seul." et... "on aime bien se faire des films."... Même si la solitude au quotidien ne me pèse pas (trop), j'y ai retrouvé du familier où... la forêt s'efface, remplacée par... ce qui nous entoure ici et maintenant ! Lecture d'autant plus exotique pour moi que, plutôt porté sur la caillasse subdésertique des hauts plateaux nomades, ce grouillement humide sous forêt tropicale, c'est un peu la face cachée de la Lune !
Epluche tes vieux carnets ! Tu en as sûrement d'autres à nous raconter...
@Le Plouc: du désert et des étendues pleine de cailloux, je ne connais que ceux de Djibouti, de Somalie ( un peu) et d'Ethiopie, à une époque où l on pouvait encore s'y promener, mais il y a de quoi écrire. Il y a aussi des choses que l on pourrait écrire mais que l on ne couche pas sur le papier parce que l'on se dit: ils ne le croiront pas.
SupprimerQuinze jours en ermite , un repli sur soi c'est une expérience extraordinaire qui marque ,
RépondreSupprimer@Claude Henri: on devrait avoir, pris en charge par la sécu, bien sûr, ce genre de moment, régulièrement au cours de la vie professionnelle. ça repose, ça calme.
SupprimerBonjour Corto,
RépondreSupprimerTu susciterais presque des émules à te lire.
La Guyane a quelque chose de fascinant. Rares sont les personnes, que je connais et qui y ont séjourné, qui en sont revenus indemnes. J'ajoute qu'ils en tous le regret comme cet ami qui vient de rentrer en métropole après un séjour de quatre ans. Il serait bien rester plus longtemps.
Pour ma part, je n'y ai fait qu'un bref séjour au cours duquel j'ai pu visiter intégralement le centre spatial de Kourou et aller dans la jungle à Camopi, sur le frontière franco-brésilienne (magnifique ballade en pirogue sur le fleuve). Dans cette agglomération (où nous avions été reçu par un gendarme qui était heureux dans sa jungle et qui craignait pour sa prochaine mutation dans la région parisienne), j'avais touché du doigt la crétinerie de nos politiques qui, en allouant le RMI aux indiens, avait transformé ces derniers en assistés alcooliques. Le Brésil était en face à une centaine de mètre de fleuve et les indiens allaient d'un coup de pirogue boire dans les bars nombreux en dépit de l'interdiction de l'alcool sur le territoire français. Lors du passage à l'euro, les tenanciers de ces estaminets avaient simplement remplacé le mot "franc" par "euro". Du coup, le taux de surendettement était faramineux et notre brave pandore déplorait et assisté en direct à la mort d'une culture par la faute des politiques. Je garde un excellent souvenir de ce séjour et comprends donc bien ton ressenti.
Merci pour ce billet revigorant.
Bonne journée
@H.: C'est vrai que l on en revient pas tout à fait indemne tellement on y vit des trucs pas possible si l on veut bien se donner la peine de sortir de sa villa. Maintenant, c'est vrai aussi que c'est, ou c'était je ne sas pas ce que c'est devenu, un pays de fadas: entre immigration massive, chercheurs d or, aventurier, Kourou et ses fonctionnaires, le racisme a l envers, les métropolitains en pays conquis et une bonne partie de la population locale avec un baobab dans la main, les indépendantistes fous furieux, Taubira ( eh oui déjà en 1993 elle sévissait ), etc... mais quel pays ! que de bons souvenirs.
SupprimerA l époque où j y étais le RMI avait été instauré depuis peu et les indiens croyaient que RMI c'était le nom d un bienfaiteur. On se plaint de non politocards en France , mais là bas, quelle gabegie, que de magouilles: la mairie de Montjoly ou de Matoury avec ses interieurs en marbre et son ascenseur privé pour monsieur le Maire avait fait sensation, je pourrais en raconter des tonnes sur ce sujet .
« Dans le silence et la solitude, on n’entend plus que l’essentiel. »
RépondreSupprimerCamille Belguise
Très belle citation !
Supprimer@JPB: C'est à peu près ça oui.
SupprimerBonsoir Corto,
RépondreSupprimerPremier et peut-être denier billet (tant je suis lessivé le soir) pour moi sur ton blog et ses commentateurs fidèles qui, comme tes billets, m'intriguent, me séduisent ou m'exaspèrent. Concernant ce texte différent et plutôt sympa je remarque la visite du Plouc Émissaire, pourtant à l'extrême opposé de vos visions respectives du "bateleur de foire" d'un côté, et du seul qui peut nous sortir de cette impasse de l'autre, je veux bien sûr parler de Sarkozy. Passons. C'est lors de la décision de justice pour cette pauvresse d'Anne-Sophie Leclère que j'ai trouvé ton site sur lequel j'ai pu découvrir que tu étais ancien Guyanais. Pour moi la Guyane ce fut juste un mois de vacances en septembre 92 (, réceptionné à l'aéroport par un couple d'amis bretons du Finistère comme moi puis débarqué sur l’îlet "la Mère" à deux ou trois milles marins de Cayenne où ils habitaient (il y a aussi l'Îlet le Père et l'enfant perdu parait-il...) Magnifique ! accueilli dans un carbet en bois d'amourette résistant à tout face à la mer, j'ai pris possession de mon couchage, un hamac brésilien et fut bercè ainsi pendant une dizaine de jours par les sons des vagues et oh surprise la première nuit ... au son du singe hurleur, voilà mon bizutage... très impressionnant. Diantre ! ... un lion sur cette île ? J'en ai vraiment frissonné. Plus tard j'en ai pris un dans les bras sur le continent, brave primate très beau, belle fourrure noire, pacifique frugivore, plutôt craintif, très furtif sur la canopée. Ils communiquent entre-eux par ces déchirements infernaux et par pas moins de deux kilomètres de distance. J'adore la fin du cri qui se termine par un bruit de lavabo qui se vide...
Bref la Guyane, terre de mercenaires, de fous en effet où même les braves entomologistes (autre nuit en foret) avaient leur fusil à pompe, on ne sait jamais... un fer de lance, une couleuvre de 400 kilos, un bandit ! Nous avons traversé en voiture comme des touristes en zone de conflit, le quartier de la Crique. Les deux semaines suivantes à visiter par la côte. Pas eu le temps de descendre la Mana, ouf ! Je ne doute pas une seconde que cet eldorado pour les brésiliens d'en face et Surinamiens d'outre Saint-Laurent ce petit bout de France si stratégique car situé sur l'équateur et donc idéal pour nos Ariane (tient coup de bol, j'ai assisté à un lancement, sur la Montagne aux Singes...et aux moustiques à Kourou, je disais que ce département soit surement aussi dégradé socialement que nos banlieues et quartiers nord métropolitains...
A y retourner pour vérifier ? non merci. Puisque tu cites Walden et Thoreau, seuls m'attirent désormais les forêts du nord.
Il faut dire que l'Islande, le nord de l'Inde bouddhiste et les provinces maritimes du Quebec sont venus tout remettre en question dans mes aspirations au voyage...
Je rejoins Le Plouc, ce serait sympa de nous ressortir d'autres souvenirs de tes carnets..
Pascal
@Pascal:
RépondreSupprimerLe Plouc, je l ai rencontré plusieurs fois et il m a semblé aussi lucide que moi sur Sarkozy: qui d'autre ?
Pour la Guyane, j y ai vécu six ans et c'est a mon avis le département français le plus "fou". Quand j y suis arrivé, j avais un fusil a pompe dans ma vieille Lada 4x4 et personne n'aurait pris la peine de fermer sa voiture à clé. Quand j en suis reparti, tout le monde se cadenassait chez soi: immigration surinamienne , haitienne, brésilienne, drogue etc, les grands classiques. 3 mois avant mon départ, un ami a descendu, en plain restau, un braqueur surinamien qui voulait dévaliser tous les clients. En six ans, l insécurité était devenue telle qu il n y avait pas guère le choix: partir, se defendre ou se barricader
La Crique, j y ai passé tant de soirées... sympas, six ans plus tard, je n y remettrais plus les pieds: trop dangereux.
Tout était "facile", il suffisait de bosser sans compter pour bien gagner sa vie et ainsi faire la fête. Cela s est gâté à partir de 92/93.
Y retourner, je ne sais pas, si l occasion se présente peut etre mais j ai bien peur d etre déçu car malgré tous ses défauts, je n en garde quasimentq ue de bons souvenirs et des amitiés extraordinaires.
D'autres souvenirs, qui sait, certains, intéressants, sont hélas difficiles a retranscrire ou difficiles à croire: As tu déjà attrapé un caîman a mains nues, la nuit, dans un marais, avec de l eau jusqu' au cou ?... tu vois, déjà tu doutes :)