samedi 30 juillet 2011

Rio-Paris, dernières conversations...


Crash du Rio-Paris, ça fait partie des catas dont on se souvient, 200 et quelques morts, forcément, cela marque les esprits. Horreur, compassion et tristesse, passée l'heure, pour peu qu'elle puisse un jour passer, vient le temps de fournir des explications. Le dernier rapport du BEA vient de sortir et le moins que l'on puisse dire, c'est qu'il n'est pas tendre avec les pilotes et avec Air France. En gros: manque de formation y compris en situation de crise, panique à bord, un commandant absent du cockpit (pause-dodo) lors du passage réputé difficile du trajet, amateurisme des co-pilotes, primauté donnée à l'informatique sur les réflexes, etc, etc, etc...

En lisant ces compte-rendus, je me suis dit, la vache, ils n'y vont pas par 4 chemins. Airbus veut faire porter le chapeau à Air France. C'est qu'il y a moultes pépètes en jeu. Alors pour comprendre et puisque j'ai la chance d'avoir un spécialiste aéronautique impartial (puisque désintéressé) sous le coude, j'ai voulu savoir. Mon spécialiste, ancien pilote chevronné, n'y a pas été par 4 chemins non plus.

Son rapport à lui est encore plus sévère: incident technique, certes, mais pas insurmontable ( les sondes Pitot, perte des indicateurs de vitesse ) + manque de formation + délégation de pouvoir accordée au Dieu informatique + absence du commandant au moment crucial + panique par manque de savoir-faire + panique tout court = la catastrophe !

Comme tu y vas, lui ai-je dit. Tiens, tais-toi et lis, me rétorqua-t-il. Et me voilà à lire les dernières minutes de conversation entre les pilotes. C'est édifiant ! Et si, il n'y avait pas eu morts d'hommes, on en rirait presque.

Cela se passe entre 1h 55 mn 57 secondes et 2h 14mn et 27 secondes du matin, entre Rio et Paris. Dans la première séquence, le co-pilote et son acolyte s'aperçoivent qu'il y a un problème avec l'indicateur de vitesse, ils traversent une zone de turbulence bien connue. Le commandant de bord, en repos, n'est pas dans le cockpit.

-  Bon, ben, il n'y a plus qu'à le réveiller [le commandant], hein, c'est ça ?
-  Moins 42°, on utilisera pas les anti ice, c'est toujours ça de pris.
-  Je suis d'accord qu'on est en manuel, c'est ça , hein ?
-  Ah non, on est en calibré, hein ?
-  Voila, je te réduis un peu !
-  Tu veux qu'on mette sur start?
-  Qu'est-ce que c'est que ça ?
-  On n'a pas une bonne annonce de vitesse.
-  On a perdu les, les, les vitesses alors ?
-  Selon les trois [indicateurs], tu montes, donc tu redescends !
-  Bon, il vient ou pas ? (le commandant)

Un peu plus tard, le commandant est revenu.

-  On a pourtant les moteurs, qu'est-ce qui se passe ?
-  Eh, qu'est-ce que vous faîtes ? dit le commandant de retour.
-  Je ne sais pas ce qui se passe. (le copilote)
-  Je n'ai plus d'indication. (copilote)
-  Qu'est-ce que tu en penses ?,  qu'est-ce qu'il faut faire?
-  Tu montes, tu descends, descends, descends. (copilote)
-  Non tu montes là. (commandant)
-  Là, je monte okay, alors on descend. (copilote)
-  ... c'est pas possible. (commandant)
-  Ouais, ouais, ouais, j'descends là ou non ? (copilote)
-  Là, tu descends.
....

 - Non, non, ne remonte pas. ( commandant )
-  Alors, descends.
-  Attention, tu cabres là ! (commandant)
-  Ben, il faudrait, on est à 4000 pieds (copilote)
-  Allez, tire ! (commandant)
-  Allez,on tire, on tire, on tire, on tire (copilote)

.................. enregistrement interrompu..................

228 morts.

Je demande à mon spécialiste, mais alors qu'aurait-il fallu faire? Réponse lapidaire: Le commandant n'aurait jamais du être en repos à ce moment du trajet et savoir quoi faire, comment réagir lorsque l'informatique déconne.
Mais était-il possible de réagir ?
Oui.

Folie passagère 767.

D'accord, pas d'accord: atoilhonneur@voila.fr

10 commentaires:

  1. C'est l'horreur totale, mon cher Corto.
    Finalement la seule chose qui consolera un peu les familles c'est d'avoir été assurés que les passagers de l'avion n'ont rien vu et rien senti du crash qu'ils allaient subir.

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  2. Mouais, non. Oui, il était possible de réagir. Mais il y a eu des morts.

    Le "y a qu'à, faut qu'on" avec deux ans de retard, pourquoi pas. Mais ça ne refera venir personne... Et puis bon, c'est facile...

    Mais sur le papier, les choses sont tellement simples...

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  3. @marianne: Crénom, j'ai grillé TF1 sur ces retranscriptions !
    Ceci dit, vous me semblez bien naïve sur ce coup la. La chute de l'avion s'est fait en 4 minutes alors que pour un atterrissage normal entre l'altitude haute et le touch down , il faut en gros 40 à 50 minutes. autant vs dire qu" hélas, ils l'ont vu venir et bien senti.

    @falconhill: Je m'attendais un peu a ce genre de commentaire. Ce que "mon" spécialiste veut dire, c'est que:
    1) aujourd'hui, les pilotes, par formation, délèguent totalement leurs "pouvoirs" aux instruments et ne savent plus réagir en cas de panne.
    2) qu'avec une formation aux situations de crises, ils auraient pu sans doute s'en sortir. D'ailleurs, depuis le Rio Paris et uniquement depuis, les pilotes reçoivent une formation pour cela.

    Et, pour etre complet, mon spécialiste n'est pas dans le Ya ka focon, puisqu'il lui est arrivé exactement le meme genre d'incident et qu'il se porte très bien.

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  4. Je suis un peu d'accord avec le Faucon.
    Gérer une crise il y a un part de formation mais il y a une grosse part de feeling.
    On se rend compte que bien souvent la théorie s'oublie lors de la pratique, surtout lors d'un évènement où les émotions doivent prendre le dessus.
    Il se peut qu'on gère très bien le problème une fois, et une autre non parce que le ressenti était différent. Ça va vite et la lucidité, ce n'est pas quelque chose qu'on a non-stop, ça peut nous lacher, surtout dans des moments critiques.

    Je ne veux pas excuser les pilotes, tout comme je ne veux pas les blamer, parce que je n'ai pas la position pour le faire, mais dans des instants pareils, ça ne doit vraiment vraiment pas être facile à gérer.

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  5. Et pendant qu'on parle des pilotes qui ont certainement une part de responsabilité aussi, mon cher Corto, on oublie les sondes Pitot et le fait que les pilotes n'avaient pas étés formés pour redresser l'avion au motif qu'il ne pouvait pas "décrocher".

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  6. @vallenain: je ne dis pas que c'est facile à gerer, mon "expert" dit lui qu'avec une bonne formation, comme celle que subissent une fois par an les pilotes de l'armée, la cata avait des chances d'être évitée.

    @marianne: je ne dis rien d'autre. Jusqu'avant cette cata, les pilotes d'AF reçoivent de longues heures de formation pour voler aux instruments mais aucune en cas de panne. A priori, c'est fait depuis.

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  7. Salut Corto ! Edifiant, et terrible... Il faut aussi savoir que depuis un bail, les pilotes d'AF ont une très mauvaise réputation auprès des professionnels de l'aviation. A l'intérieur d'AF même, certains pilotes, plus chevronnés, ne veulent même pas voler avec d'autres. Quant à la formation, elle était jusqu'ici essentiellement faite sur simulateurs. En bref, les pilotes n'ont pas assez d'heures de vol... (Tout ceci m'a été raconté par un ami qui a bossé à AF, et l'a quitté dès que possible. Encore aujourd'hui, il me dit d'essayer d'éviter de voyager sur cette compagnie !)

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  8. ça fait effectivement froid dans le dos !
    L'erreur est souvent voire toujours humaine dans ce genre d'accident...et malgré toute la formation que les pilotes peuvent recevoir nul n'est infaillible.
    Au moins les familles des disparus peuvent maintenant comprendre ce qu'il s'est réellement passé.

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  9. @sophie K: Bonjour toi !
    Les conclusions du BEA sont hélas effectivement sans appel: un serieux manque de formation chez AF qui cependant semble en cours de rattrapage. Mais pire encore, j ai relu ce matin le rapport (je suis curieux) ou l'on apprend:
    que le commandant de bord est parti se reposer juste avant d'entrer ds une zone de turbulence connue pour sa difficulté et qu'avant de partir il a demandé a ses copilotes, tt a fait serieusement, si ils avaient bien leur licence de pilote ! Preuve s'il en est qu'en plus d'un manque de formation, AF fait voler des gens qui ne se connaissent pas et qui manquent d'experience ( l'un des copilotes aux commandes lors de la panne sur Pitot avait a peine 2000h de vol ).

    @poussin: hello ! Nul n'est infaillible, c'est certain mais le seul rempart est la formation à tout les types d'évènement.

    Pour l'anecdote, je me souviens d'avoir pu au cours d un vol Hong Kong Paris avoir pu passer un long moment ds le cockpit d'un A 320, les pilotes m'ont laissé faire joujou avec les instruments y compris des changements d'altitude !

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