Je lis parfois le blog d'un gauchiste que j'aime bien. Son dernier billet m'amuse autant qu'il m'interpelle. Il fait une comparaison audacieuse entre les "patrons" de Casto et de Leroy qui ouvrent le dimanche et les chauffards de la route. Pour lui, c'est du pareil au même: ils bravent la loi, ce sont des voyous. Tous ces gens sont des hors-la-loi, pis, ils ne respectent même pas les décisions de justice en ouvrant, malgré l'interdiction et les menaces de sanctions, le dimanche. C'est vrai, Cyril Marquant a raison, ils bravent la loi.
Cela en fait-il pour autant des voyous ? Parce que dans ce cas, nous sommes un paquet de voyous en France. Qui n'a jamais enfreint la loi ? Par appât du gain, par bravache, pour rigoler, par bêtise, pour l'amour du risque ou.... par militantisme ou par nécessité. Intéressons-nous à ces deux dernières motivations.
La personne qui vole dans les magasins parce qu'elle n'a pas les moyens d'acheter de quoi manger, hélas cela arrive et les exemples qui défraient régulièrement la chronique ne manquent pas, est-elle pour autant une voyoute ? Elle a bravé la loi certes. Elle ne sera sans doute pas condamnée sévèrement et il ne viendrait à personne, et encore moins au gauchiste de base, de la condamner moralement.
Et le militantisme, donc.
Peut-on estimer que quelqu'un qui, d'une manière ou d'une autre, brave la loi parce que celle-ci n'est pas ou plus adaptée à la cause qu'il défend ou à une situation particulière, est un voyou ? Il est hors-la-loi, certes mais pour la bonne cause. Tenez, j'en parlai récemment, Mediapart est hors-la-loi lorsqu'il décide ne pas payer la TVA au taux fixé par la loi, taux que Edwy Plenel juge injuste par rapport à ses concurrents de la presse écrite. C'est même en partie grâce à cette "fraude" qu'il dégage des bénéfices. Est-ce que cela fait de lui un voyou ? Assurément si l'on suit le raisonnement de mon blogueur puisqu'il enfreint la loi par intérêt. Alors, Cyril, qualifieras-tu Edwy Plenel de voyou ? Non, bien sûr. Prenons un autre exemple, celui de Noël Mamère. Lorsqu'il osa célébrer, en sa mairie, un mariage homosexuel, il le fit parce qu'il jugeait la loi mal faite, obsolète, pas juste, discriminante. Il l'a donc bravé pour répondre à ce que sa conscience lui ordonnait, ce qui, à l'époque, ne lui vaudra qu'une petite sanction sans conséquence. Traiteras-tu Mamère de voyou ? Non. Et les maires d'aujourd'hui qui refusent, au nom de leur conscience, de célébrer des mariages zinzins n'auraient pas "la liberté de braver" la loi sans être traités de voyous (sans compter les très lourdes sanctions) ?
L'histoire est pleine d'exemples de gens qui ont enfreint la loi, parfois même au péril de leur vie, parce que les dites lois n'étaient pas justes ou en décalage total avec les réalités du moment. C'est ainsi.
Mais revenons à nos patrons de bricolage. Ils enfreignent donc la loi. Oui. Mais que font-ils ces patrons ? Ils constatent que 30% des Français travaillent déjà le dimanche; pourquoi pas eux ? Ils constatent que sur le même parking qu'eux Truffaut est ouvert; pourquoi pas eux ? Ils voient que leurs employés ne demandent qu'à travailler; pourquoi leur refuser ce que l'on accorde à ceux de Saint-Macloud ? Ils voient qu'il y a une demande, pourquoi ne pas y répondre ? Ils voient les patrons de Sephora, des Jardineries Clause ou d'Atlas s'en mettre plein les fouilles le dimanche, pourquoi pas eux ? On le voit, ici, à défaut de pouvoir évoquer une quelconque liberté de conscience, on peut sans difficultés parler de libre concurrence, de la liberté de travailler, du droit à travailler, d'égalité des chances, même. Est-ce que cela fait de tous ces patrons des voyous ? Est-ce que cela fait de leurs salariés des complices, des "demi-voyous" donc? Non, trois fois non !
Oui, parfois la loi ne peut plus avoir force de loi lorsqu'elle n'est plus adaptée à telle ou telle situation ou à l'évolution de la société. Les lois sont aussi victimes d'obsolescence. Pensez donc qu'il est encore interdit, par la loi, aux femmes de porter pantalon à moins qu'elles ne tiennent à la main un guidon de vélo ou un cheval. Pensez, chers amis, que vous avez obligation, encore aujourd'hui, d'avoir chez vous une botte de foin si d'aventure, le Roi, de passage, avait à nourrir son destrier et qu'il peut encore vous en coûter cher d'appeler votre cochon Napoléon.
Mais trêves de plaisanteries; oui, il peut être juste d'enfreindre la loi soit parce que le contexte l'impose, soit parce que notre conscience l'ordonne. A chacun de prendre ses responsabilités (y compris aux juges) et de mesurer les enjeux. Les patrons des Leroy et des Castos ont pris leurs responsabilités. L'histoire montre que bien souvent la loi évolue grâce à l'action, dite militante, des contrevenants que personne, encore une fois, n'oserait traiter aujourd'hui de voyous. La contestation peut aussi être source de progrès. Et c'est très bien ainsi.
C'est très à la mode et assez savoureux de voir comment nos gauchistes en appellent aujourd'hui, pour un oui ou pour un non, au respect de la loi. La loi, c'est la loi, qu'ils disent. Oui et bien considérons que la loi doit aussi évoluer faute de quoi, on prend le risque de scléroser la société et/ou l'activité économique; la loi ne doit pas s'opposer au bon sens. Et puis, ça évitera de traiter stupidement, les uns ou les autres de voyous.?
N'est-ce pas Cyril ?
Folie passagère 1928.
D'accord, pas d'accord: atoilhonneur@voila.fr
"Mediapart est hors-la-loi lorsqu'il décide de ne pas payer la TVA au taux fixé par la loi, taux que Edwy Plenel juge injuste... Est-ce que cela fait de lui un voyou ?"
RépondreSupprimerPeut-être pas, mon cher Corto.
Mais le ministre du Budget qui ferme les yeux et accepte cette fraude, est lui, à coup sûr, un voyou.
@marianne: Seriez-vous sans savoir que Edwy Plenel a un excellent ami qui a l 'avantage d'être aussi le plus vieil ami de notre bon François, j ai nommé Maître Mignard, avocat, et nouvellement promu pat Pépère au CN d'éthique. ceci expliquant peut-etre la complaisance dont bénéficie Mediapart.
SupprimerEt bien dans ce cas là, nous avons donc à faire à quelques voyous de plus, non ?
Quand tu vois que le préfet Jean-Jacques Debacq fait payer ses contraventions par son administration , que pépère oublie de déclarer son patrimoine entier , deux gros poids qui fraudent cela donne l'exemple . Nous sommes connus au monde entier pour notre système D , aussi je serais curieux de connaitre une seule personne qui n'est pas frauder quelque peu , rien que passer un peu d'alcool ou des cigarettes via l'Andorre , un paquet de gâteau que la caissière à oublier de compter ou bien faire quelques travaux au noir , nous sommes tous des voyous mais c'est toujours l'autre le plus voyou .
RépondreSupprimer@Claude henri: Et nous voila revenu à parler de Mediapart. Car quelque chose m'échappe dans cette histoire de préfet mauvais payeur. La pratique est courante qui veut que les contraventions infligées à des voitures de fonction de la préfectorale ( mais pas que ) reviennent au ministère de tutelle. C'est habituel. Alors sauf à se poser en justicier, j aimerai savoir ce qui a pu pousser Mediapart a jeter à la vindicte populaire un préfet, certes responsable de la boite a PV,qui n'a commis que 12 infractions en 3 ans pour un montant de 700 euros. L'histoire ne dit pas d'ailleurs qui conduisait la voiture. Pour moi cette histoire est montée de toutes pièces. Pourquoi ?
SupprimerBonsoir,
SupprimerMédiapart n'est pas un parangon de vertu. C'est ce qui contribue à le décrédibiliser. En règle général, je n'accorde pas grand crédit à ses dires mais effectivement, je te rejoins dans ton interrogation. Pourquoi? Surtout que je ne crois pas que la pratique soit réservée à la seule préfectorale.
Pour en revenir au sujet de ton billet, rien ne justifie à mes yeux qu'on ne respecte pas la loi. Il n'y a pas et ne peut avoir d'un côté des gens que leur engagement et leur idéal mettent à l'abri des poursuites, de l'autre de pauvres imbéciles qui doivent éprouver toute la rigueur de la loi car l'opprobre public est sur eux. comme tu le soulignes très justement, "à chacun de prendre ses responsabilités (y compris aux juges) et de mesurer les enjeux." Personnellement, quand le dérapage affecte la propriété privée ou se traduit par des atteintes physiques, psychiques ou diffamatoires, j'aurai tendance à penser la loi doit s'appliquer dans toute sa rigueur. Dans le cas contraire, c'est le début de la fin pour le pacte social, toujours fragile. Un autre principe doit également nous guider, celui de l'exemplarité. Le personnel politique français a perdu sur ce point la partie. Qu'il ne s'étonne donc pas de voir les autres joueurs, y compris les plus petits, vouloir s'affranchir des règles communes.
Bonne soirée
J'ai oublié de préciser que j'essaie de m'appliquer ces règles, aussi contraignantes soient-elles, bien que je reconnaisse comme tout un chacun avoir moi aussi mes faiblesses.
Supprimer@H: je ne dis pas qu il faut enfreindre la loi. je dis que quand une loi n a plus de réelle justification ou lorsqu elle heurte la conscience des uns, il ne faut pas hésiter éventuellement à la remettre en cause y compris par des actes de désobéissance civile, la condition sine qua non étant d'accepter de prendre dès lors ses responsabilités. Dans ce cas là, ça n a rien a voir avec un comportement de voyou.
SupprimerNous sommes bien d'accord. Malheureusement, je constate que trop souvent, la notion de responsabilité est est aux abonnés absents (cf mon post sur l'analyse transactionnelle). On veut bien être rebelle, c'est tendance, mais sans les inconvénients. C'est ce qui me dérange le plus.
SupprimerBien dit, une incohérence de plus de gauchistes, qui adorent les rebelles (tiens, les fournisseurs de faux certificats aux clandestins, au hasard), justement mise en valeur.
RépondreSupprimer@Umadrab: Pour sûr, ils adorent les rebelles à condition que ceux-ci soient du même camp qu'eux !
SupprimerComme je l'ai dit je ne sais plus trop sur quel blog, En France, chacun fait ce qu'il veut dans son coin, sans respecter la Loi, donc on ne voit pas trop comment et pourquoi les femmes emburkanées respecteraient l'interdiction...
RépondreSupprimerMais en Frankistan, on pond une loi d'abord et on réfléchit et on débat après, quand on constate que personne ne la respecte.
Il ne reste guère que les automobilistes et les contribuables à être bien obligés de respecter la loi, sous peine de sanction au porte-feuilles.
@lamouette: tu pousses un peu là, non ? :) la loi anti burka est totalement justifiée ne serait-ce parce qu elle est dans l air du temps et qu elle fait consensus. On va pas se laisser enmerder par des bachées tout de même.
SupprimerMais je ne dis pas autre chose, Corto ! Tu ne m'as pas captée, là.
RépondreSupprimerSimplement, elles ne se sentent pas obligées de respecter la loi car l'exemple vient d'en haut.
Regarde ce que dit Elisabeth Badinter ici :
http://www.lematin.ch/monde/europe/La-burqa-procure-un-sentiment-de-jouissance/story/18682113
"- La France a des lois pour garantir la laïcité. Notamment contre le port de la burqa dans l’espace public. Et pourtant, elles ne sont pas respectées. Quand la police veut amender une femme en burqa, cela provoque une émeute. Faire des lois, ça ne sert plus à rien?
Elle : -Ce n’est pas seulement sur les questions religieuses que les lois ne sont plus respectées. Nous vivons dans une société anarchique. Mais il ne faut pas abandonner les lois, c’est l’affirmation d’un principe.
- Que voulez-vous dire par «société anarchique»?
Elle: -Nous assistons à un bouleversement de la notion de liberté. La philosophie des Lumières a défini la liberté de façon révolutionnaire: j’obéis aux lois que je me suis données et la minorité s’y soumet. Aujourd’hui, la liberté signifie: je fais ce que je veux. C’est-à-dire que j’obéis à mes envies, à mes désirs, mais pas nécessairement à la raison ni à la loi. Parallèlement s’est développé le multiculturalisme. Chacun fait ce qu’il veut, et dans le multiculturalisme, cela se traduit par: chaque communauté fait ce qu’elle veut. Je suis en profonde opposition avec tout cela. Je pense que si l’on a voté en France le mariage des homosexuels, ce n’est pas au nom de leur différence, mais de leur ressemblance avec les autres. Nous appartenons tous au même genre humain. Donnons la priorité à ce qui nous unit plutôt qu’à ce qui nous distingue."
Elle aussi a remarqué que la loi sur la burqa n'est pas respectée, pas plus que les autres.
Je dis ça, mais je milite pour la clause de conscience pour les médecins et les maires. Donc quelque part, pour qu'il y ait des entorses à l'application de la loi.
Donc on n'en sort pas.
Bonsoir,
SupprimerJ'aurai tendance à relier les propos d'Elizabeth Badinter à l'analyse transactionnelle (http://fr.wikipedia.org/wiki/Analyse_transactionnelle). L'infantilisation perpétuée par la société a fait que ses membres se tiennent de plus en plus souvent dans l'état du Moi Enfant (http://fr.wikipedia.org/wiki/Etats_du_Moi) . Moins qu'une affirmation qu'on voudrait sans limite de notre liberté, je crois que nous sommes bien plus en face de comportements capricieux caractéristiques du comportement infantile. Cet état de fait, loin de témoigner d'une élévation de pensée et de comportement, est plutôt le signe d'une décadence profonde et de l'échec des politiques pratiquées en matière d'éducation dans ce pays. Je crois que nos dirigeants le savent bien. Le maintien de ce type de comportement, quand ce n'est pas son encouragement, leur assure une tranquillité toute relative. Mais si les enfants sont par nature capricieux, ils sont également capables de brusques mouvements de colère incontrôlables. Là est le danger.
Bonsoir
@La mouette: je me mefie toujours des discours de Badinter. La, en l'espèce, elle n a pas tout a fait tort si ce n'est justement qu elle ne met pas en avant " le droit à avoir une liberté de conscience" qui peut justifier d'enfreindre la loi. Sans jouer Godwin, et pour faire rapide, et toutes proportions gardées,les résistants ont bravé les lois de Vichy ou celles édictées par les nazis, ils ont pris leur responsabilités et ont fini par vaincre.
SupprimerLorsque une loi bride la liberté de quelques uns, et en tenat compte du principe que la liberté des uns s'arretent où commencent celle des autres, c'est que cette loi n'est pas bonne. il faut donc la changer quitte a l'enfreindre au départ.
Antigone Antigone....
RépondreSupprimerRéponse à ta question: Oui on peut enfreindre la loi sans être considéré comme un voyou quand on est de gauche, point barre.
RépondreSupprimerLa personne qui a copié la quasi intégralité de ce billet dans les commentaires de mon aurait pu faire un lien, ça aurait été plus simple !
RépondreSupprimerJe considère ces patrons comme voyous, non pas parce qu'ils ont enfreint la loi mais parce qu'ils n'ont pas respecté une décision de justice, ce qui rendrait ces patrons récidivistes s'ils se faisaient de nouveau condamnés.
Bonjour,
RépondreSupprimerL'actualité sonne étrangement avec cette affaire de piraterie en Russie: http://www.lemonde.fr/europe/article/2013/10/03/moscou-continue-d-inculper-de-piraterie-les-militants-de-greenpeace_3489390_3214.html
Ont-ils enfreint la loi? Leur cause est-elle si juste que ce mouvement puisse tout se permettre?
Bonne journée