" Pour rassembler un peuple, disait Freud, il faut lui donner un objet d’exécration qui canalise sa rage. Nicolas Sarkozy a été pendant cinq ans l’ennemi intérieur de toute une partie de la France. L’animosité à son égard est allée d’emblée à la personne et à son physique et non au chef de la droite proprement dite. Est-ce sa morgue, son arrogance de classe, son mépris des faibles, son goût de la confrontation ?
Toujours est-il que les humoristes ont raillé ses talonnettes, sa taille, ses amours contrariées, sa démarche chaloupée. Dans un Hexagone confit dans l’antiracisme de convenance, les moqueries envers sa petitesse ont constitué la seule exception permise.
D’origine hongroise, un quart juif, Sarkozy avait toutes les caractéristiques du cosmopolite qu’on peut accabler parce qu’il n’est pas de chez nous. A son endroit, toutes les censures ont été levées, aucune discrimination n’avait d’importance. On l’a comparé aux pires personnages de l’histoire du XXe siècle, Pétain, Hitler, Franco, Mussolini et j’en passe. Mais en suscitant cette formidable acrimonie, il a sauvé aussi tout un pan de la presse et des médias. Sans lui, aucun des grands quotidiens et hebdomadaires de l’opposition n’auraient connu de tels tirages. Sur qui vont-ils s’acharner maintenant ?
Comment un magazine tel que Marianne va- t-il survivre, privé comme il est de sa tête de turc favorite ? Sarkozy a fait plus fort : il a participé à la résurrection des morts. C’est grâce à lui, par exemple, qu’un philosophe comme Alain Badiou, inconnu du grand public, a pu émerger dans la lumière médiatique à partir de son pamphlet, De quoi Sarkozy est-il le nom, en 2007. Qui dit mieux ? C’est vraiment le retour de la Momie et il est à craindre là aussi qu’elle ne retourne dans ses bandelettes une fois l’ex-président oublié. Sarkozy a carbonisé ses supporteurs mais il aura été, depuis 2007, une véritable rente de situation pour les médias, la littérature, la philosophie, la sociologie, le journalisme, la bande dessinée.
Son départ va s’apparenter pour tous ces secteurs en crise à un avis de banqueroute. En politique, la détestation est un ciment plus fort que l’amour. On tient à ses ennemis plus qu’à tout, ils sont la garantie or de votre existence. Combien vont se sentir orphelins en l’absence de leur croque-mitaine ? Ce président qu’on disait cliveur et diviseur a été en même temps un formidable facteur de cohésion. C’était par sa faute que tout allait mal en France, du chômage au dérèglement climatique. On l’a vomi avec une ferveur inégalée. Jamais François Hollande ne pourra rivaliser avec lui dans l’aversion. C’est pourquoi il tombe à point. Sous sa présidence, les Français vont comprendre qu’il n’est pas de sauveur ni de salaud suprême et qu’ils doivent seuls résoudre leurs problèmes, sans recours à un bouc émissaire. Il signe le retour au principe de réalité. Il devra rassembler non pas autour de la haine, mais d’un sursaut collectif. Si l’élection du candidat socialiste n’avait servi qu’à cela, elle serait déjà une œuvre de salubrité publique."
Texte de Pascal Bruckner paru dans Libération du 10 mai 2012 sous le titre " Sarkozy va leur manquer..."
Intellectuel dégagé, c'est-à-dire non militant, Pascal Bruckner est, à 53 ans, l'une des figures les plus attachantes de l'intelligentsia parisienne.
D'accord, pas d'accord: atoilhonneur@voila.fr
Corto,ce n'est pas la petitesse du Président que nous moquions (je ne l'ai jamais fait pour ma part), mais plutôt ses tentatives pour cacher sa taille.
RépondreSupprimerEt puis Hollande doit lui rendre 1cm ou 2 et on n'en fait pas tout un plat.
@elmone: ",ce n'est pas la petitesse du Président que nous moquions (je ne l'ai jamais fait pour ma part), mais plutôt ses tentatives pour cacher sa taille" heu, tu vivais où pendant 5 ans ? Tu ne veux tt de même pas que je ressorte mes vieux dossiers avec les jolis noms d'oiseaux dont la gauchosphère, pour ne parler qu elle, affublait Sarko...
SupprimerPétain, Hitler, Mussolini, c'est rapport a la façon dont il cachait sa taille ?
Quand on lit ce article, mon cher Corto, on ne peut être que révolté pour le traitement que cette classe médiatique indigne a fait subir à Sarkozy pendant cinq ans.
RépondreSupprimer@marianne: il est pas mal ce texte bien mieux écrit que ce que j aurai pu faire.
SupprimerDe toute cette campagne de dénigrement, commencée il y a 5 ans,j 'en veux moins à la gauchosphère même si elle a été copieuse en outrance qu ' a ces medias qui ont perdu toute mesure en oubliant le fondement du métier de journaliste: a savoir informer objectivement. Le journalisme est le grand perdant de cette camapgne. Un grand Beurkkk !
Bah ce n'est qu'un juste retour des choses par rapport à la considération exprimée par le Président pour la majorité des Français
RépondreSupprimer@elmone; je remarques que tu l appelle le Président. C'est bien de le reconnaitre. ^^
SupprimerAvis !: a propos des médias toute petite vidéo de 20"
RépondreSupprimerhttp://twitpic.com/9levop
En fait, on a un peu vu cette foule qui scandait "Nicolas, merci !" sur certains plans brefs de BFMTV. On l'entendait surtout à l'intérieur même du palais, au moment où Nicolas Sarkozy s'est séparé de François Hollande après leur entretien ... et je ne serais pas étonné que la façon assez impolie avec laquelle ce dernier a tourné rapidement les talons sur le perron, après lui avoir dit adieu, ne soit liée à un certain agacement à ce sujet ...
RépondreSupprimerHollande s'est montré peu à la hauteur de sa tâche lors de cette cérémonie, en prononçant un discours sectaire de chef de parti, pas de président rassembleur des Français.
Quand on a été a un niveau de mépris jamais atteint pendant une longue campagne électorale, difficile pour Hollande de perdre ses mauvaises habitudes.
SupprimerEtre méprisant, c'est être "normal" apparemment chez Hollande et ses amis du PS (?).
Supprimer@lubin3: bienvenue ici!
RépondreSupprimerPlans brefs, c'est le - que l on puisse dire. Son hommage à ses prédécesseurs a été on ne peut plus dégueu en ce qui concerne Sarko. Il fera, quitte à donner ds le grotesque, tout ce qu'il peut pour être aux antipodes de ce qu'a été Sarko. Sa "normalite" caricaturale comme il dit !
Il y a du vrai dans ce qu'écrit Bruckner.
RépondreSupprimerSarkozy semble fermement décidé à se faire oublier.
Un bouc émissaire chasse l'autre. Qui sera le suivant?
Martine n'est pas au gouvernement (tant mieux). Elle ne sera donc pas celle à qui on balance des tomates (tant pis).
@Io: perso, je cois que d une manière ou dune autre Sarko reviendra.
RépondreSupprimerPour le bouc émissaire hollande et son armée mexicaine gouvernementale devraient suffire
Oui mais ils ne vont quand même pas se payer la fiole de leurs propres troupes, c'est ça le problème!
RépondreSupprimerPour ce qui est du gouvernement de Hollande, soyons fair play: attendons de les voir à l'oeuvre.
Et par la même occasion, on comprendra mieux ce que veut dire "ministère du redressement productif".
@Io: attendre de les voir à l 'oeuvre, pkoi pas . mais que de choix discutables et/ou incompréhensibles dans ce gouvernement ! billet a suivre sans aucun doute.
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