Un jour, Modernoeud s'est réveillé et a décidé qu'il était artiste. Voilà. Modernoeud pouvait être femme ou homme peu importe, il était artiste et aimait le cinéma, l'audio-visuel, la télé, toussa, les lucarnes magiques, en grand ou petit écran. Il rêvait de faire du cinéma, devant ou derrière la caméra. Tout à sa passion, Modernoeud savait que ce n'était pas le chemin de l'oscarisation qui était difficile mais bien que, tout au contraire, c'était le difficile qui était le chemin. Pour se réaliser, il devait affronter un chemin pavé de machos et de masculinité envahissante. Le cinéma se sclérosait de n'être qu'un repaire de mecs dont la testostérone étouffait toute velléité de réussite féminine. Le show-biz n'est pas paritaire. Le show-bizz, c'est pas pour les gonzesses. Modernoeud se rendit compte très vite que cette ignominie, cette discrimination et cette insulte à la parité sexuelle ne pouvaient que nuire à son destin: Il (ou elle) était artiste, il voulait faire du cinéma, rien ne saurait l'en empêcher. Les temps nouveaux se prêtaient parfaitement à la réalisation de son destin: le féminisme institutionnalisé, le genre et le dé-genre, la lutte contre les stéréotypes, l'égalité femme / homme. Ainsi donc, puisqu'il(ou elle) est artiste, il fallait saisir cette opportunité que lui offrait le nouveau pouvoir, surfer sur la parité, peut-être compenserait-il ainsi le talent dont il était quasiment le seul(e) à reconnaître l'existence.
Modernoeud créa donc une association, loi 1901, association qui lui permettra non seulement de percevoir des subventions mais aussi de toucher une rémunération si, par malheur, son talent n'explosait pas. Il baptisa celle-ci Le Deuxième Regard, inspiré de toute évidence par le Deuxième Sexe de la mère Simone. Nous ne sommes ni homme, ni femme, nous le devenons et puisque son monde, le cinéma, refusait aux femmes le droit d'exister, son association se battrait pour que des quotas de vagins artistes, de gonzesses actrices et de talons-hauts réalisatrices soient imposés partout où cela serait nécessaire: Devant, derrière et sur les côtés de la caméra, backstage et back-office compris. Pas con, Modernoeud se ferait sponsoriser (marrainer) par deux ministresses bien en vue à Paris, l'une avait acquis le maroquin des Droits des Femmes, l'autre celui de la Culture, elles ne pourraient refuser de promouvoir la place des femmes dans ce monde hélas pas encore dégenré.
Modernoeud pensa qu'il serait bon que son association soit dotée d'une Charte que tout mécène, égalitaire et sympathisant se verraient dans l'obligation de signer, juste après avoir versé son obole à la cause. Cette charte serait la pièce maîtresse du dispositif de féminisation forcée de la profession, il s'appliqua donc et cela donna ceci:
" L'égalité des femmes et des hommes est un droit fondamental pour toutes et tous et constitue une valeur capitale pour la démocratie. Afin d'être pleinement accompli, ce droit ne doit pas être seulement reconnu mais il doit être effectivement exercé. Le cinéma est un art populaire, sa force de frappe sur l'imaginaire collectif est très forte... Il est don important que les femmes participent à son influence et que la parité progresse afin d'avancer vers une réelle démocratie du secteur (...)
Les signataires de la Chatte Charte s'engagent à:
1) Sexuer les outils statistiques afin de mieux cerner les problématiques et de participer à une réflexion commune sur la place des femmes dans le cinéma,
2) Favoriser la représentation proportionnelle des femmes et des hommes dans les instances de décisions (et d'attribution des subventions),
3) Stimuler la création cinématographique en encourageant les projets qui subvertissent les représentations traditionnelles des femmes et des hommes. (C'est bon ça !)
4) Sensibiliser leurs équipes aux questions de parité en luttant notamment contre les stéréotypes.
Le Deuxième Regard se propose donc comme un moyen de faire évoluer la situation afin de favoriser l'égalité d'accès à la création et la richesse de l'expression artistique dans une perspective universaliste. A travers cette charte, les signataires encouragent l'action de l'association afin que les femmes soient plus présente dans l'Histoire à venir du cinéma. "
Satisfait du travail accompli, Modernoeud était enchanté(e), il(elle) était artiste et venait d'obtenir la signature de Mesdames Belkacem et Filippetti, ne manquait plus que celle de Josée Dayan. L'avenir s'annonçait radieux.
Le lecteur ici parvenu s'imaginera sans doute que le taulier de ce blog a pété un plomb et qu'il divague...
Que nenni, Le Deuxième Regard existe !
" L'art n'a pas de sexe. Le Deuxième Regard, c'est un œil qui se forme et s'épanouit " Bérénice Vincent, fondatrice de l'association Le Deuxième Regard, experte en plein de choses, réalisatrice inconnue, productrice chez Maharaja Films.
Folie passagère 1962.